Pratiques barbares et inhumaines de la France colonialiste

Tortures au sous-sol du sinistre "Châteauneuf" d’Oran

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Des Fidaïs d’Oran, anciens condamnés à mort ayant survécu l’époque coloniale française, témoignent des méthodes barbares pratiquées à grande échelle dans le sous-sol du sinistre “Châteauneuf” d’Oran, un commissariat de police qui servait de centre de tortures.

“Mes inquiétudes ont commencé avec l’arrestation de Mohamed Baghdadi et de son adjoint Mohamed Moulay, mes chefs hiérarchiques qui étaient responsables du réseau des Fidaïs d’Oran sous la coupe de Hadj Benalla, adjoint de Larbi Ben M’hidi”, raconte Abderrahmane Bentahar, un enfant de haï Planteurs (Sidi El Houari) dans un entretien à l’APS.
Originaire de Tlemcen, Baghdad Mohamed, 11 fois condamné à mort par le tribunal militaire colonial d’Oran, fut exécuté le 1er juillet 1959, de même que son adjoint Moulay Mohamed, le même jour au Champ de tir de Canastel (Oran), de triste réputation”, se rappelle-t-il les larmes aux yeux.
Le réseau des Fidaïs d’Oran, dont il était responsable de la branche militaire, était organisé, secret et bien structuré, se souvient Abderrahmane Bentahar, qui dit avoir été recruté par Hadj Benalla parce qu’il savait à l’époque manier les armes pour avoir fait le service militaire obligatoire.
“Je fus arrêté en fin janvier 1957 dans un accrochage avec des soldats français au quartier de Tir au pistolet à Oran, avant d’être conduit au Châteauneuf, où j’ai subi les sévices de la gégène à un puissant voltage”, se remémore-t-il vivement.
“Dans les cellules du sous-sol, les policiers et autres bourreaux se relayaient pour me faire parler. L’interrogatoire auquel j’étais soumis, était atroce, un véritable supplice d’un autre âge. Tout nu, dans une position tel un poulet au rôtissoire, poings et mains attachées avec des cordes”, raconte-t-il la mort dans l’âme.
Malgré la gégène, ses bourreaux n’ont rien pu soutirer de lui, s’est-il enorgueilli, en évoquant le cas de membres du réseau politique local arrêtés ayant subi d’autres sévices comme les brûlures au chalumeau et qui ont résisté.
Et de poursuivre: “après une dizaine de jours dans la cellule 3 du sinistre Châteauneuf, j’ai été condamné à mort et transféré à la prison d’Oran où j’ai purgé deux années”.
Le reste de sa peine qu’il décrit avec des mots difficiles, a été effectuée à la prison d’El Harrach (2 ans) puis à Lambèze (Batna) où il est resté jusqu’à l’indépendance.
Les séquelles et les blessures des moments difficiles vécus dans les cellules des geôles et prisons de l’administration coloniale sont toujours dures à ressentir et vivaces pour ce vaillant moudjahid qui a poursuivi après l’indépendance le combat de l’édification du pays dans les rangs de l’Armée de libération nationale. “Notre révolution est écrite de mains de sang, de dévouement et de sacrifices”, lâche t-il.
Un autre témoignage poignant de Kaddour Naïr, un Fidaï d’El Hamri.
Kaddour fut arrêté le 21 novembre 1957 à Oran, armes à la main, après avoir accompli une mission sur ordre du Front de libération nationale, celle de faire sauter le “Grigui”, un bar situé à la rue d’Arzew (actuellement rue Larbi Ben M’hidi) au centre-ville d’Oran, fréquenté par les policiers, les gendarmes et les militaires de l’armée coloniale française et surtout des criminels de guerre.
“C’étaient des buveurs de sang, des violeurs de filles devant leur parents, des pilleurs et des assassins qui fréquentaient ce bar”, évoque-t-il fièrement cette opération fidaïe.
“Grièvement touché à la jambe, à la tête et à la poitrine, les forces d’occupation m’ont pris pour mort. Ils ne se sont pas empêchées pour m’évacuer au pavillon 14 de l’hôpital d’Oran, dans un état comateux, puis à la morgue.
“Deux jours après, un agent constate, fait curieux, que je suis toujours en vie et a donné l’alerte. Après quoi, ils m’ont conduit au Châteauneuf pour me faire parler, et là j’ai vécu l’horreur”, a-t-il dit avec un pincement au cœur.
“Dès qu’on entre dans ce centre, on entend des hurlements de détenus à longueur de journée. Les caves du sous-sol servaient de salle de tortures digne des bagnes de Nouvelle Calédonie, où la barbarie avait atteint le sommet, tant les pratiques étaient inhumaines”, se remémore-t-il.
“Comme l’arrachage des dents ne suffisait pas, il y avait aussi les castrations. La machine criminelle usait d’autres méthodes sophistiquées pour faire parler les Algériens, dont les électrocutions avec de puissants voltage”, a-t-il déclaré avec répit.
“Malgré l’état de santé grave où je me trouvais, ces criminels n’avaient dans leur vaine que la tentative de me faire parler. Le 28 novembre 1957, le tribunal d’Oran relevant de l’administration coloniale a tenu un procès expéditif me condamnant à mort et je fus conduit à la prison civile d’Oran
où j’ai passé une année, avant de purger deux ans à la prison d’El Berrouaghia et deux autres années à la prison d’El Harrach, jusqu’à l’indépendance”, se souvient-il encore avec amertume, surtout des premiers jours à la prison d’Oran, encore convalescent avec une jambe gangrenée Cette horreur résonne toujours dans ses oreilles, dit-il “Il faut le laisser crever sans manger et sans médicament disent-il, car il voulait amputer ma jambe”, a-t-il déclaré .
Et de décrire la maltraitance qu’il a subie de jour comme de nuit dans les centres de détentions, n’était-ce le courage, la foi en Dieu qui lui a épargné de perdre la raison et lui a permis de tenir pour se retrouver un jour en liberté.
Les conditions d’incarcération étaient aussi très pénibles. “Chaque nuit que Dieu fait, on nous annonçait qu’on allait passer à la guillotine durant les cinq années que j’ai passées en prison”, garde-t-il en mémoire.