Reportage réalisé par H. Nacéra
Situé le long de la façade maritime Est de la ville d’Oran, le « jardin méditerranéen », baptisé Jardin Citadin Méditerranée, était sensé être un immense espace vert de quelques hectares entrecoupé d’étangs, de fontaines, d’allées boisées et donnant une belle vue sur la grande bleue.
Hélas, l’appât du gain a poussé des inconnues à s’accaparer, petit à petit, de cet espace pour le détourner à leur profit exclusif en y implantant des installations de jeux et de loisirs (d’innombrables toboggans), transformant la splendide vue verdoyante en gris morne du béton et d’un brun rouillé de métal.
Ce qui a fait dire aux riverains, qu’il ressemble plus à un parc d’attractions qu’à autre chose.
Ce phénomène qualifié de véritable main basse sur les espaces verts et leur transformation en espace de loisirs privé s’est accéléré depuis 2018, puisque, déjà à cette époque, plusieurs violations avaient été enregistrées en raison notamment de « l’incapacité » des responsables locaux à l’aménager ou le concevoir selon les normes internationales requises.
Afin de renflouer les coûts des dépenses, ces derniers n’ont pas trouvé mieux que de les concéder à des particuliers, dénués de tout scrupules, en contrepartie de dividendes et ce au détriment du bien-être des citoyens et du paysage d’Oran.
Depuis, le ciment a remplacé le bois et les cafés, snacks, fastfood et autres buvettes de fortune ont supplantés les allées vertes fleuries, les jolis bancs en boiserie et fer forgé.
Deuil des militants associatifs, peinés par la défiguration du jardin
Cap Dz a été accompagné dans ce reportage par quelques activistes du mouvement associatif, et de fervents défenseurs de l’environnement de la capitale de l’ouest.
Documents à l’appui, ces derniers n’ont eus de cesse de dénoncer cette situation, qui par des correspondances aux principaux responsables, qui par voie de presse, sans que les choses bougent et curieusement, comme si cela arrangeait bien les affaires des uns et des autres. Selon ces activistes, « ce jardin que les anciens responsables s’évertuait à le qualifier de « jardin citadin », et un acquis pour les oranais reflètent aujourd’hui leurs incommensurable échec ».
Non seulement, ils n’ont pas su concevoir un jardin méditerranéen digne de son nom, pire encore, outre les parcelles occupées par des toboggans, les espaces verts sont devenues, par la force de l’incompétence et de la bêtise humaine, des espaces de boues, de broussailles et d’espaces vides, que Cap Dz a constaté de visu sur les lieux mêmes, lors d’un « piquet de deuil » mené par quelques activistes à leurs tête M. Yahiaoui El Houari, coordinateur du réseau environnement et citoyenneté.
Ce dernier, profitera pour lancer un messager à travers nos colonnes au wali d’Oran, afin de sauver et de préserver cet espace convivial et familial de détente et de prélassement qui longe les falaises d’Oran du quartier d’Es-Seddikia jusqu’aux limites du quartier Akid Lotfi.
La Directrice de l’Environnement confirme l’inviolabilité de cet espace vert
Aux dires du coordinateur Houari Yahiaoui, la directrice de l’environnement a confirmé que le jardin méditerranéen est classé selon les normes internationales et que la gestion incombe à l’entreprise publique « Oran vert ».
Ceci dit, ajoute l’activiste, il est de la responsabilité de cette EPIC de prendre en charge l’aménagement, l’entretien et la protection de ce jardin dont elle a la charge.
Ce qui signifie aussi, insiste-t-il, que cette EPIC, est concernée par ce qui se passe à l’intérieur du « jardin méditerranéen » lequel et à tous égards, doit être préservé. Pour le coordinateur, l’idée d’investir dans des toboggans, carrousels et autres jeux de fête foraine, ne correspond nullement à la désignation de jardin méditerranéen.
Il aurait fallu, choisir un autre emplacement ou site plus à même d’accueillir ce genre d’attraction « l’invasion des jeux d’attraction et leur prolifération dans tous les endroits a oblitéré l’espace vert le transformant en une série de petits parcs d’attraction privé, contrevenant ainsi au noble objectif d’espace de détente pour les familles oranaises.
Un jardin, n’est pas un espace pour les bousculades, le bruit et la musique, c’est un endroit de détente, on y vient pour apaiser l’âme et le corps, lire un bouquin, écouter le gazouillement des oiseaux, ou les vagues de la mer ».
Le Coordinateur du Réseau Environnement et Citoyenneté regrette que le jardin Méditerranéen soit exploité ainsi et à mille lieu de l’objectif pour lequel il a été créé. Tout en avouant avoir été l’un des plus fervents défenseurs de ces espaces verts, lors des précédents mandats et au cours desquels les prédécesseurs du wali s’étaient rendus complices de la dilapidation et la transformation de ces espaces de leurs vocation première, en avançant l’argument qu’il s’agissait du choix des familles oranaises et qu’il y avait un besoin urgent en matière de services d’accompagnements tels que les magasins, cafétérias, crémeries en dépit de l’existence de quatre boutiques.
Genèse des toboggans et quid des cahiers de charges
Le bon sens aurait voulu que ces jeux pour enfants et autres toboggans, soient installés sur une surface spécifique et non sur un espace vert sensé être protégé.
Aussi, plusieurs questions à ce sujet se posent, d’abord sur la manière avec laquelle cela a été introduit, et puis, a-t-on respecté toutes les procédures réglementaires régissant ce genre d’activité ou s’agit-il simplement d’une mesure prise à la hussarde, pour renflouer les caisses de l’EPIC ! Pour trouver des réponses à ses interrogations, Cap Dz a tenté de se rapprocher du responsable de l’EPIC « Oran Vert », malheureusement, ce dernier nous rétorquait qu’il n’avait pas de temps à consacrer à notre journal ou notre site, trop occupé qu’il était ! « Réaction tout à fait prévisible », nous disent les responsables chargés de la protection de l’environnement, et de souligner qu’au fil du temps qui passe, des pans entiers de ce jardin sont grignotés, petit à petit, sans que personne ne daigne s’en offusquer, il n’y a qu’à voir les toilettes publiques, si on peut les appeler ainsi, non seulement elles sont inadéquates, trop exigües, pire encore elles sont fermées et cadenassées, c’est une honte», regrette un écolo.
Une fontaine d’eau qui a coûté cher aux contribuables, sans eau et absence de vespasiennes
Le coordinateur du réseau environnement et citoyenneté, indiquera qu’une campagne de nettoyage a été initiée au niveau de ce jardin en raison de la présence d’innombrables bouteilles de plastique remplies d’urine.
Pour le coordinateur, la responsabilité de ce comportement n’incombe pas uniquement au citoyen, mais aussi aux chargés de la gestion de cet espace vert lesquels auraient du prévoir, estime-t-il, plusieurs urinoirs et profiter des rentrées d’argent qu’elles peuvent procurer.
Réseau Environnement et Citoyenneté : « L’EPIC doit choisir d’autres espaces pour les loisirs et devrait sécuriser les lieux »
Pour le coordinateur du Réseau Citoyenneté et Environnement, « la vocation première de l’EPIC « Oran Vert » est de s’occuper de tout ce qui est vert d’où son appellation, elle est chargé entre autres de tous les travaux visant l´aménagement de jardins, plate forme de fleurs décoratives et d´entretien des gazons et autres aménagements décoratifs, aménagement de bassins d´eau, jets d´eau, allées de promenade et autres travaux d’horticulture, et non de gérer des parc d’attraction (manège) ou de fête foraine ».
« Il est impératif qu’elle choisisse un autre terrain pour ces toboggans. Si l’Epic recherche des revenues, qu’elle le fasse, mais pas au dépend des espaces verts, lance-t-il, et de donner l’exemple d’une soit disant fontaine d’eau… sans eau.
Construite à coup de millions et sensée rafraichir l’air, et reposer les yeux des contemplateurs, la fontaine fait aujourd’hui, peine à voir.
C’est devenu une décharge publique et l’on se demande pourquoi l’avoir réalisé sinon ? » dira Yahiaoui Houari.
Et d’ajouter, « Ce n’est pas tout, il y a pire encore, un jardin est sensé accueillir des familles avec leurs enfants pour de délasser passer d’agréables moments de tranquillité, respirer un air pur, humer le parfum des fleurs et autres herbes, or ce que l’on constate sur place est édifiant et choquant. Des comportements honteux et immoraux heurtent la sensibilité et la pudeur des familles oranaises qui y vont, des hordes d’énergumènes ont désormais investis les lieux et s’adonnent à toute sorte d’activités douteuses.
Un minimum d’ordre public aurait été souhaitable afin de sécuriser les lieux, et épargner aux parents et leurs enfants ce spectacle ».
L’activiste Rahmoun Abd El Latif : « La base de vie mitoyenne au jardin est plus appropriée pour abriter un parc d’attraction ou un parking »
Le militant associatif Abd El Latif Rahmon, a pour sa part regretté « la signature de l’acte de décès du jardin méditerranéen », ce dernier aurait souhaité sa réhabilitation en relançant les activités éducatives et environnementales à son niveau, comme cela a été fait lors de l’organisation des floralies avec des expositions horticoles où seront présentées de nombreuses plantes à fleur. Il a également appelé à changer l’éclairage bleu, jugé inadéquat.