Meriem B
La question des immeubles vétustes menaçant ruine à Oran est devenue un véritable casse-tête pour les autorités locales. Entre squats illégaux et risques imminents d’effondrement, la situation devient de plus en plus alarmante. En témoignent les récents événements, tels que l’effondrement partiel d’un immeuble dans la rue Mostaganem qui a blessé trois personnes. Cette situation met en lumière la pression croissante exercée par des squatteurs, à la recherche de logements sociaux, et la nécessité urgente d’intervenir pour garantir la sécurité des citoyens.
Les quartiers anciens de la ville, tels que Sidi El Houari, El Hamri, Sidi El Bachir (Plateau), Nasr (Derb) et El Emir concentrent une grande partie des immeubles datant de l’époque coloniale. Ces derniers sont désormais classés “zones rouges” par les services de contrôle technique des constructions (CTC) en raison de leur état de dégradation avancée. En réponse aux préoccupations grandissantes, les autorités ont lancé plusieurs programmes de relogement pour évacuer ces bâtiments dangereux, conformément au programme national de relogement du président Abdelmadjid Tebboune. Cependant, malgré les efforts déployés, des individus, parfois déjà bénéficiaires de logements sociaux, retournent illégalement dans ces immeubles en ruine dans l’espoir d’obtenir un nouveau logement.
Le cas de l’effondrement partiel des escaliers dans un bâtiment de la rue Mohamed Boudiaf illustre les risques auxquels ces occupants illégaux s’exposent. Bien que les autorités tentent de bloquer l’accès à ces bâtiments par des mesures temporaires, comme la destruction des escaliers ou la fermeture des entrées, les squatters persistent. Ces pratiques soulignent les difficultés auxquelles les autorités se heurtent dans la gestion de ce phénomène.
Un programme de relogement en progression, mais insuffisant face à une demande croissante
Le chef de la daïra d’Oran, M. Abdelhakim Fakraoui, a évoqué la question du squat dans un entretien exclusif accordé à Cap dz. Selon lui, bien que le programme de relogement des familles occupant des anciens immeubles avance de manière “constante”, il reste insuffisant pour répondre à la demande croissante. M. Fakraoui a indiqué que la wilaya d’Oran continue de déployer de grands efforts pour gérer ce dossier complexe, notamment en identifiant les immeubles les plus dégradés.
Dans ce cadre, 35 immeubles menaçant ruine ont été identifiés dans la première phase du programme de relogement. Parmi eux, 19 ont déjà été évacués, permettant ainsi le relogement de 390 familles. Ces immeubles, situés dans des quartiers tels que Carto, Hai Nasr (Derb), Place El Mokrani (Valéro) et Sannanes, ont été jugés “rouges” par la commission technique pour leur dégradation avancée. M. Fakraoui a ajouté que les 15 autres immeubles de cette première phase seront également évacués dans les jours à venir, et leurs habitants relogés. Il s’agit d’immeubles situés dans les quartiers d’El Makari, El Emir, Es-Seddikia et Haï El Nasr.
Cependant, la mise en œuvre de ce programme de relogement se heurte à plusieurs obstacles, notamment la résistance des propriétaires de commerces situés dans ces immeubles. Bien que l’Office de Promotion et de Gestion Immobilière (OPGI) propose des fonds de commerce aux commerçants concernés, certains refusent cette offre, préférant rester dans les bâtiments vétustes pour des raisons économiques.
La démolition des bâtiments vétustes : un défi technique et logistique
Le programme de démolition des immeubles vétustes fait face à des obstacles techniques considérables. M. Fakraoui a précisé que la démolition des bâtiments désaffectés est rendue difficile par l’architecture des immeubles, souvent reliés par des arches et des structures communes avec les bâtiments voisins. Cela complique l’évacuation et la démolition en raison du danger potentiel pour les immeubles adjacents, qui sont parfois eux-mêmes occupés.
Pour pallier cela, les autorités mettent en place des mesures de sécurisation, comme le blocage des accès aux bâtiments et la destruction des escaliers. Cependant, ces actions restent insuffisantes face à la persistance des squatters. Selon M. Fakraoui, ces “opportunistes” devront quitter les lieux et retourner dans leurs régions d’origine. Il a précisé dans ce volet que certains viennent même d’autres wilayas. Il a cité à titre d’exemple deux cas s’agissant de familles venues de Mascara et même de Constantine. Le même responsable a assuré que les autorités ne céderont jamais aux pressions et veilleront au respect de la loi.
Les statistiques sur les bâtiments à réhabiliter : une situation critique
Le dernier recensement réalisé en 2019 fait état de 1 007 immeubles jugés irrécupérables dans la wilaya d’Oran, et 94 autres qui sont classés “orange”, ce qui signifie qu’ils pourraient encore être restaurés. Cependant, la dégradation continue de ces bâtiments pourrait modifier ces évaluations. Une commission mise en place par le wali d’Oran, M. Saïd Sayoud, réexamine actuellement ces données pour adapter les mesures de réhabilitation et de démolition.
Face à cette situation, les autorités locales sont appelées à intensifier leurs efforts pour sécuriser les immeubles en ruine et lutter contre les occupations illégales. Avec l’arrivée de l’hiver, les dangers liés aux effondrements risquent de s’accentuer. Les citoyens oranais, confrontés à ces enjeux de sécurité et de relogement, espèrent des mesures concrètes et une réponse rapide des autorités pour éviter des éventuels drames et garantir la sécurité et la dignité des habitants.