Meriem B

Le secteur des transports dans la wilaya d’Oran traverse une crise profonde, marquée par des désagréments pour les usagers et des revendications pressantes des professionnels. Manque de taxis, retards fréquents, conditions de travail difficiles : des problèmes structurels et organisationnels persistent, exacerbant les tensions entre citoyens et chauffeurs de taxi.

Des usagers exaspérés

Les citoyens d’Oran expriment une exaspération grandissante face aux lacunes du service de transport par taxi. « Le nombre de taxis disponibles ne répond pas à la demande croissante, surtout aux heures de pointe », explique un étudiant résidant à Haï Maraval. Parmi les principales critiques formulées figurent la prise en charge de plusieurs passagers à la fois. Cette pratique est souvent décriée, notamment par les femmes, qui se retrouvent à partager le véhicule avec des inconnus, une situation inconfortable et parfois anxiogène. Les travailleurs et les étudiants soulignent également les retards causés par les détours effectués par certains chauffeurs. Ces derniers, cherchant à maximiser leurs revenus en multipliant les arrêts, allongent le temps de trajet au détriment des passagers. « Ces détours font grimper le compteur et nous coûtent plus cher, en plus de nous faire perdre du temps », témoigne une employée administrative. Dans le centre-ville, les refus de prise en charge sont fréquents. Les chauffeurs invoquent les embouteillages pour éviter cette zone dense, où se concentrent administrations, cabinets médicaux et commerces. « Les conducteurs préfèrent les trajets plus longs et plus rentables », affirme un habitant de Haï Gambetta. Un exemple emblématique est celui d’un habitant du quartier Trait d’Union, un quartier mal desservi par les transports en commun. Cet employé d’un laboratoire d’analyse situé à la rue Larbi Ben M’hidi explique qu’il est contraint de recourir aux taxis, faute d’alternatives. « Dans mon quartier, il n’y a pas de ligne directe de bus. Les lignes 11, 101 et P1 passent loin, à plusieurs centaines de mètres. Pour y accéder, il faut marcher l’équivalent de 3 à 4 stations de bus. Cela rend le trajet vers le centre-ville pénible, surtout quand on est pressé », confie-t-il. Il précise que, bien que la distance entre Trait d’Union et le centre-ville ne soit pas excessive, elle reste impraticable pour un déplacement quotidien à pied, en particulier pour rejoindre un lieu de travail aussi central que la rue Larbi Ben M’hidi. Il a noté que souvent il est confronté à un refus de prise en charge ” …car le trajet n’est pas assez long pour les chauffeurs de taxi”, a-t-il ajouté

Des chauffeurs sous pression

Les chauffeurs de taxi, eux aussi, se disent victimes d’un environnement défavorable. Ils admettent privilégier les longs trajets et transporter plusieurs clients à la fois pour rentabiliser leurs courses. « Les tarifs sont restés inchangés depuis 2012, alors que le coût de la vie, le prix du carburant et les charges fiscales ont fortement augmenté », explique un chauffeur interrogé près de la gare routière.
L’état des infrastructures routières, en particulier dans la vieille ville, est également pointé du doigt. « Les rues étroites, conçues il y a plus d’un siècle, sont inadaptées à une ville qui accueille aujourd’hui plus d’un million d’habitants et un grand nombre de visiteurs, surtout en été », souligne un autre chauffeur.
Les chauffeurs de taxi à Oran dénoncent également l’impact négatif des plateformes de transport numérique et du phénomène des “clandestins”. Ces modes de transport illégaux, en pleine expansion, non seulement échappent à toute réglementation, mais privent également les chauffeurs de taxi légaux d’une part importante de leur clientèle. Les conducteurs de ces véhicules, souvent sans licence, imposent des tarifs exorbitants, exposant les usagers à des risques liés à l’absence de garanties légales. Pour remédier à cette situation, les chauffeurs de taxi réclament des solutions concrètes, telles que l’introduction de lignes dédiées exclusivement aux taxis légaux et une intensification des contrôles pour éradiquer ces pratiques illégales. Par ailleurs, ils appellent à une coopération renforcée entre les autorités locales et les services de sécurité afin de sécuriser les zones d’activité des taxis et d’assurer un meilleur encadrement du secteur.

Les recommandations de l’ONTA

Face à ces problèmes, l’Organisation Nationale des Transporteurs Algériens (ONTA) plaide pour une réforme en profondeur. Selon son président régional et également président du bureau de wilaya, M. Baghdad Mekhnef, la wilaya d’Oran compte 14 000 licences de taxi, mais seulement 11 000 sont exploitées. « Les 3 000 licences inexploitées pourraient être redistribuées pour répondre au déficit actuel », propose-t-il. L’ONTA a également suggéré de permettre aux taxis des banlieues, comme Hassi Bounif et Aïn Beïda, d’opérer en ville. Cette mesure, récemment validée, vise à compenser le manque de taxis dans le centre d’Oran et de faire travailler les détenteurs de ces licences inexploitées, a-t-il déclaré. Concernant les tarifs, M. Mekhnef insiste sur une révision urgente. « Les chauffeurs ne peuvent plus faire face à la hausse des prix du carburant, des pièces de rechange et des cotisations sociales. Des ajustements sont indispensables pour assurer la viabilité de leur activité », affirme-t-il.

Un appel aux autorités locales

L’ONTA appelle également le nouveau wali, M. Samir Chibani, à intervenir rapidement et écrire au nouveau ministre de tutelle, M. Saïd Sayoud. Il a ajouté le nouveau ministre connaît bien les problématiques de la wilaya d’Oran. M. Mekhnef estime que son expérience pourrait être décisive pour relancer le secteur. “Avec une volonté politique forte, des solutions adaptées peuvent être trouvées rapidement “, assure-t-il. Pour les usagers comme pour les professionnels, la situation nécessite des mesures concrètes et urgentes. Une amélioration des infrastructures, une meilleure organisation des trajets et une révision des tarifs pourraient être les premières étapes pour apaiser les tensions et redonner confiance à tous les acteurs du secteur.