Wassila. B

Les prix du gaz sur les marchés européens ont franchi, hier, la barre des 620 dollars pour 1 000 mètres cubes, un seuil inédit depuis le 8 février 2023. Les contrats à terme pour mars prochain sur l’indice TTF ont enregistré une hausse de 3,8 %, atteignant 620,7 dollars pour 1 000 mètres cubes. La séance de cotation avait débuté sur une hausse de 3,4 %, avec un prix initial de 618 dollars pour 1 000 mètres cubes. Cette flambée des prix intervient dans un contexte de tensions sur l’approvisionnement, après la fin de l’accord de transit du gaz russe vers l’Europe via l’Ukraine. L’approvisionnement s’est interrompu dès le début de 2025, Kiev ayant refusé de prolonger le contrat de transit avec Moscou. Cette flambée des prix du gaz sur le marché international, notamment en Europe, a des impacts multidimensionnels sur l’Algérie, allant des opportunités économiques aux défis structurels.
L’Algérie a vu ses exportations de gaz augmenter significativement, avec une demande européenne en hausse due à la crise énergétique et à la réduction des importations russes. En 2024, le pays a fourni 38,5 % du gaz importé par l’Espagne, devenant son principal fournisseur. Les prix du gaz en Europe ont atteint un record: 50 euros/MWh en décembre 2024, et pourraient monter à 60 euros/MWh en 2025. Cette hausse bénéficie directement à l’Algérie grâce à des contrats indexés sur les prix du marché. Les exportations d’hydrocarbures algériennes sont passées de 22 milliards de dollars en 2021 à 60 milliards en 2023, et devraient rester stables autour de 50 milliards en 2025. Ces revenus soutiennent l’économie nationale et les réserves de change. Suite à l’arrêt du transit de gaz russe via l’Ukraine en janvier 2025, l’Algérie comble le déficit, fournissant désormais plus de 20 % des besoins de l’UE. Les gazoducs Medgaz et GME (Maghreb-Europe) permettent des livraisons directes et fiables vers l’Espagne et l’Italie. Ces infrastructures sont modernisées pour augmenter leur capacité, renforçant la dépendance européenne. L’Algérie étend son marché à l’Europe de l’Est (République tchèque, Slovénie) et collabore sur des projets d’hydrogène vert et d’interconnexions électriques avec l’Italie. Ce qui est une grande opportunité pour l’économie nationale. Sonatrach prévoit d’augmenter sa production annuelle à 200 milliards de m³ d’ici 2030, soutenue par des investissements dans l’exploration et les infrastructures. Les revenus gaziers pourraient financer des projets dans les énergies renouvelables, l’agriculture ou le tourisme, réduisant la dépendance aux hydrocarbures. Face à la concurrence des États-Unis et de Qatar, dotés d’infrastructures de GNL avancées, l’Algérie maintient des prix compétitifs et une livraison fiable. La directive européenne sur la durabilité (2027) impose des normes strictes sur les émissions de carbone. Sonatrach investit dans la réduction du torchage et la plantation de 423 millions d’arbres pour répondre à ces critères.
Sur le plan géopolitique, l’Algérie renforce son statut d’acteur énergétique clé, illustré par l’organisation du 7ᵉ sommet du GECF en 2024 et sa présidence du Conseil de sécurité de l’ONU en 2025. Si l’Algérie profite de la demande européenne, elle doit aussi gérer les tensions liées aux politiques de plafonnement des prix proposées par l’UE, qu’elle rejette au nom de la liberté des marchés.
Ainsi, la flambée des prix du gaz offre à l’Algérie une opportunité historique de consolider son économie et son influence géopolitique. Notre pays compte relever des défis structurels (diversification, transition énergétique) et s’adapter aux exigences européennes pour pérenniser sa position. Cette conjoncture pourrait marquer un tournant décisif vers une économie plus résiliente et une coopération énergétique renforcée avec l’Europe.