Meriem B

Les premières opérations d’exportation de marbre rouge depuis le site de Kristel, dans la wilaya d’Oran, marquent un tournant décisif pour la filière marbrière algérienne. Avec des cargaisons déjà expédiées vers la Chine et l’Espagne, l’Algérie amorce une stratégie de valorisation de ses ressources minières, appuyée par une vision nationale ambitieuse et un fort potentiel local.

L’Algérie s’engage résolument dans une nouvelle dynamique économique axée sur la valorisation de ses ressources naturelles et la diversification de ses revenus hors hydrocarbures. À travers la relance de secteurs stratégiques comme les mines, le pays vise à renforcer sa souveraineté économique, stimuler l’emploi local et s’imposer comme un acteur crédible sur les marchés internationaux. La filière marbrière, longtemps restée en marge des grands projets de développement, se retrouve aujourd’hui au cœur de cette vision.

C’est dans ce contexte que la Secrétaire d’État chargée des mines, Karima Tafer, a effectué une visite de travail à Oran, où elle a mis en lumière les potentialités offertes par les gisements locaux de marbre, notamment sur le site de Kristel, dans la commune de Sidi Benyebka. Ce site, relevant de l’Entreprise nationale des granulats (ENG), incarne parfaitement la volonté des pouvoirs publics d’exploiter les richesses du sous-sol de manière rationnelle, durable et tournée vers l’exportation.

Une richesse naturelle encore sous-exploitée

« Nous disposons de volumes importants de marbre de qualité, stockés sur place, et nous devons désormais structurer cette filière pour répondre aux besoins du marché national tout en ciblant l’international », a affirmé Mme Tafer. Et d’ajouter : « Il est temps d’industrialiser cette ressource, de renforcer nos capacités de transformation et d’exporter davantage de produits finis au lieu de matières brutes ».

Cette orientation s’inscrit directement dans la feuille de route tracée par le président Abdelmadjid Tebboune, qui fait de la relance minière l’un des piliers de l’économie productive. L’exploitation des carrières, la transformation locale et l’exportation de produits à forte valeur ajoutée constituent aujourd’hui les axes majeurs de cette stratégie.

S’étendant sur 157 hectares, le site de Kristel dispose de trois carrières de marbre : rouge, jaune et rose. Seule la première est actuellement exploitée, mais les perspectives sont prometteuses. Selon Ahmed Sahraoui, directeur de l’unité de production, la capacité actuelle de production s’élève à 2.500 m³/an, tandis que les réserves disponibles sont estimées à près de 4 millions de m³. Un volume qui permettrait à l’unité d’assurer une activité soutenue sur plusieurs décennies.

M. Sahraoui a également souligné que deux premières opérations d’exportation ont déjà été réalisées vers la Chine et l’Espagne, pour un total de 200 tonnes de marbre rouge. « Pour 2025, nous avons programmé l’exportation de 2.000 tonnes supplémentaires, avec des discussions avancées sur de nouveaux marchés », a-t-il précisé. Il a par ailleurs évoqué la remise en exploitation des deux autres carrières (marbre jaune et rose) à l’horizon 2026, dont les caractéristiques géologiques intéressent de nombreux partenaires étrangers.

Des stocks valorisables immédiatement

L’unité de Kristel dispose actuellement de plus de 15.000 tonnes de marbre stockées, prêtes à être commercialisées. « Ce stock représente une opportunité immédiate pour capter des parts de marché, notamment en Méditerranée, où la demande pour des matériaux naturels de qualité est en forte croissance », a expliqué Mme Tafer.

La secrétaire d’État a insisté sur l’importance de développer une industrie de transformation locale capable de produire des dalles, plaques et éléments décoratifs conformes aux normes internationales. À cette fin, elle a donné des instructions pour renforcer la chaîne de traitement, moderniser les outils de découpe, polissage et emballage, et encourager la création de PME spécialisées dans les étapes de finition.

Outre le potentiel minier, Oran bénéficie d’un environnement propice au développement de cette industrie : infrastructures modernes, proximité du port de commerce, main-d’œuvre qualifiée et volonté politique affirmée. La secrétaire d’État a ainsi souligné le rôle central que peut jouer la wilaya dans la stratégie nationale de valorisation minière. « Oran dispose d’un tissu industriel en pleine structuration et d’un capital géologique considérable. Nous devons en faire un modèle de réussite dans le domaine minier », a-t-elle déclaré.

Dans cette logique d’intégration régionale, Mme Tafer s’est également rendue au complexe sidérurgique Tosyali, où elle a inspecté un terrain destiné à recevoir le minerai de fer extrait de Gara Djebilet (Tindouf). Ce projet s’inscrit dans la volonté de créer des corridors logistiques entre le sud minier et les unités industrielles de l’ouest, avec pour point d’appui un éventuel port minéralier à Bethioua.