L’Algérie et l’énergie des inventeurs

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Wassila. B

L’Algérie ne manque ni de soleil ni d’ingéniosité. Le parcours d’Abderrahmane Abene, inventeur de la valise solaire, en est une nouvelle illustration. Reçu ce lundi par le ministre de l’Énergie et des Mines, Mohamed Arkab, cet Algérien a présenté une innovation à la fois simple et visionnaire : une valise équipée de panneaux photovoltaïques pliables, capable de produire 420 W d’électricité et de recharger divers appareils dans des zones isolées. Une invention utile, pragmatique, née d’une expérience tragique : le séisme dévastateur d’El Asnam en 1980. Abene, alors témoin de la détresse des sinistrés privés d’électricité, s’était juré d’« inventer quelque chose » pour répondre aux besoins vitaux en cas de catastrophe. Quarante ans plus tard, sa promesse a pris la forme d’un équipement transportable, pensé pour les urgences humanitaires, mais aussi pour l’électrification de zones reculées. Le symbole est fort. Dans un pays qui se cherche encore un modèle économique hors hydrocarbures, l’histoire de cette valise solaire révèle un paradoxe : l’Algérie regorge de talents inventifs, mais ceux-ci peinent à trouver un ancrage industriel et institutionnel sur leur propre sol. Abene a dû faire produire son dispositif en Allemagne, faute d’une filière locale prête à accueillir son idée. Le ministre Arkab a promis, à juste titre, que son département « accompagnerait les compétences nationales » pour transformer les idées en projets. L’intention est louable. Il est urgent de bâtir une véritable politique d’innovation, structurée autour de trois axes. Premièrement, la mise en place de dispositifs de financement ciblés pour les inventeurs et chercheurs indépendants. Deuxièmement, la création d’incubateurs spécialisés dans les technologies énergétiques et environnementales, capables d’offrir expertise technique, appui juridique et débouchés industriels. Troisièmement, l’intégration des inventions nationales dans les programmes de développement public, afin de stimuler la demande intérieure et donner une chance à ces innovations de prouver leur efficacité à grande échelle. La valise solaire d’Abene n’est pas seulement un gadget technologique. La transition énergétique n’est pas qu’une affaire de grands projets étatiques, de centrales solaires ou d’éoliennes géantes. Elle passe aussi par des solutions décentralisées, adaptées aux réalités locales, pensées par ceux qui connaissent le terrain. La reconnaissance officielle accordée à Abene marque le début d’une ère où les inventeurs algériens ne seront plus des talents orphelins, condamnés à exporter leurs idées faute de soutien national. L’Algérie a besoin de ses créateurs pour diversifier son économie, réduire sa dépendance au pétrole et répondre aux défis énergétiques du futur. L’invention de cette valise solaire est un catalyseur d’une prise de conscience et d’un accompagnement réel de l’innovation. Abderrahmane Abene a non seulement inventé une valise, mais aussi ouvert la voie à une véritable révolution solaire algérienne.