Hafida.B

Lors de l’ouverture de la 12ᵉ édition du Processus d’Oran, le ministre des Affaires étrangères de la communauté nationale   à l’étranger et des affaires africaines , Ahmed Attaf, a dressé un tableau sans fard de la situation sécuritaire et diplomatique du continent africain. Son discours, empreint de gravité, s’est voulu à la fois lucide et introspectif, pointant autant les manquements de la communauté internationale que les faiblesses internes de l’Afrique.

Dès les premières minutes, le ministre dénonce le recul manifeste de l’intérêt international pour les crises africaines. À ses yeux, l’Afrique glisse vers une zone d’ombre diplomatique, alors même que les foyers de tension s’étendent et s’aggravent. Il évoque explicitement « la disparition de l’Afrique des priorités du système international », une alerte que peu de dirigeants expriment aujourd’hui avec autant de frontalité.

Attaf rappelle que la guerre au Soudan s’apprête à entrer dans sa troisième année, laissant derrière elle « la pire crise humanitaire au monde ». Aucune perspective de règlement politique ne se dessine, et le ministre déplore l’indifférence globale qui accompagne la détresse du peuple soudanais.

Quatorze ans après l’éclatement de la crise libyenne, celle-ci semble s’être volatilisée des radars internationaux. Attaf regrette que ce conflit soit devenu « un oubli total », comme si les divisions internes et les ingérences étrangères constituaient un destin inéluctable pour la Libye.

Revenant sur la dernière colonie en Afrique, il rappelle que le Sahara occidental attend toujours l’application du droit à l’autodétermination, pourtant garanti par l’ONU depuis plus de six décennies. Un rappel ferme, énoncé dans un contexte géopolitique où les enjeux de souveraineté et de légalité internationale sont systématiquement remis en question.

Sahel, la zone rouge du continent

Évoquant le Sahel, le ministre parle d’une région où « les seuils de crise ont été largement dépassés ». Coups d’État en cascade, terrorisme en expansion, absence d’initiatives africaines structurantes : la situation s’est détériorée au point d’imposer une réévaluation complète des stratégies régionales et internationales. Pour lui, les changements anticonstitutionnels s’installent dangereusement dans la normalité.

Les tensions persistent et se reproduisent dans ces régions “sous des formes plus aiguës et plus dangereuses”, faute d’outils africains durables pour prévenir et résoudre les conflits. Le ministre insiste sur la nécessité de solutions « conçues, portées et mises en œuvre » par les Africains, avec un accompagnement international mais sans dépendance.

Dans son discours Ahmed Attaf n’a pas hésité à adresser  une autocritique au continent lui-même, évoquant, le recul du rôle diplomatique africain, la faible mobilisation autour des zones de crise et le  manque d’initiatives africaines de médiation, ouvrant la voie aux interventions étrangères. Il estime que ces failles internes expliquent en grande partie la marginalisation de l’Afrique dans les instances internationales.

Le ministre plaide pour une renaissance du leadership diplomatique africain, reposant sur trois piliers : une présence assumée dans toutes les zones de crise, un dialogue ouvert avec l’ensemble des acteurs et des propositions africaines crédibles pour prévenir l’escalade des conflits.

Il rappelle que la reconstruction de l’influence africaine est une responsabilité partagée entre les États membres, les organisations régionales et l’Union africaine. Le groupe A3 au Conseil de sécurité doit être le relais naturel de ce renouveau sur la scène internationale.

Attaf conclut en citant Kwame Nkrumah : « Les forces qui nous unissent sont enfouies au plus profond de nous-mêmes. »

Pour lui, l’avenir de la diplomatie africaine repose sur cette capacité du continent à se projeter depuis ses propres ressources, sans attendre que d’autres définissent ses priorités