À l’heure où la transition énergétique et la révolution numérique redessinent les priorités du transport maritime mondial, Oran accueille une rencontre stratégique qui place la Méditerranée au cœur des débats internationaux sur la décarbonation des ports, la modernisation des chaînes logistiques et la protection durable des écosystèmes marins.

Par Meriem B

Oran s’impose cette semaine comme un véritable carrefour scientifique et technologique en accueillant, les 2 et 3 décembre 2025, la première édition de la Conférence internationale sur la transition énergétique et la digitalisation du secteur maritime (ICEDTMS 2025). Organisé par l’Université des Sciences et Technologies d’Oran – Mohamed Boudiaf (USTO-BM) au Plaza Hôtel, cet événement d’envergure réunit chercheurs, enseignants, experts et professionnels du secteur maritime, autour de deux enjeux stratégiques majeurs : la transition énergétique et la transformation numérique des activités maritimes.

L’ouverture officielle, marquée ce mardi par l’allocution du recteur de l’USTO-MB, le Pr Ahmed Hammou, a souligné l’importance de cette rencontre scientifique et professionnelle. « Cette conférence constitue une plateforme d’échanges et de partage entre chercheurs, enseignants, experts et professionnels de l’industrie. Elle offre l’opportunité de débattre des avancées récentes, d’explorer les applications innovantes et de relever les défis actuels dans le domaine du génie maritime », a-t-il affirmé devant une assistance composée d’universitaires, de cadres institutionnels et de professionnels du secteur maritime.

Une dynamique scientifique et industrielle renforcée

La conférence se déploie sur un programme riche et diversifié, mêlant conférences plénières, tables rondes, panels thématiques, ateliers techniques et communications scientifiques. Objectif : rapprocher le monde académique des acteurs économiques et favoriser l’émergence de projets collaboratifs et de solutions opérationnelles concrètes pour le secteur maritime.

Les discussions ont particulièrement porté sur les grands axes de la transition énergétique maritime, notamment le développement et l’intégration des énergies renouvelables au sein des infrastructures portuaires et des navires, le recours à des carburants alternatifs destinés à réduire la dépendance aux hydrocarbures fossiles, l’amélioration de la performance énergétique des navires et des équipements portuaires, ainsi que la réduction des émissions de gaz à effet de serre à travers l’adoption de pratiques durables visant à limiter l’impact environnemental des activités maritimes.

À ce titre, les intervenants ont souligné que la transition énergétique ne se limite pas à l’adoption de technologies vertes : elle suppose également une réforme globale des modes de gestion et une coopération renforcée entre États, institutions académiques et acteurs économiques.

Le numérique, moteur de performance maritime

Le volet digital est au cœur des débats, avec des échanges approfondis sur le rôle de la data, de l’analyse prédictive et des systèmes intelligents pour optimiser les opérations portuaires et maritimes. L’Internet des objets (IoT), les capteurs intelligents, les tableaux de bord numériques et les systèmes de contrôle automatisés sont présentés comme des leviers majeurs pour améliorer à la fois la sécurité, l’efficacité logistique et la traçabilité environnementale.

La cybersécurité des infrastructures portuaires et maritimes a également été au centre des discussions. Avec l’accélération de la digitalisation, les experts ont insisté sur la nécessité de protéger les données et d’assurer la résilience des systèmes contre les cyberattaques, tout en garantissant la conformité aux normes environnementales et de sécurité maritime.

Oran, carrefour de l’innovation méditerranéenne

Accueillir cette première édition internationale confère à Oran un rôle stratégique dans la coopération scientifique euro-méditerranéenne. La ville devient un véritable hub où chercheurs, experts et institutions échangent sur les meilleures pratiques, les technologies émergentes et les politiques publiques susceptibles de transformer le secteur maritime. Cette conférence marque également un pas important pour positionner l’Algérie parmi les pays méditerranéens à la pointe de la transition énergétique et de la digitalisation des ports.

Le Pr Fayçal Bouzid, président de la conférence et enseignant à la Faculté de Génie Mécanique de l’USTO-MB, a rappelé que la réflexion à l’origine de cette initiative avait été menée depuis plus d’un an au sein du laboratoire LSIM. « Les évolutions majeures dans le secteur maritime, notamment en matière de transition énergétique et de digitalisation, rendent indispensable une adaptation rapide des pratiques. L’Algérie attache une importance particulière à ces deux axes stratégiques, et cette conférence constitue un premier pas pour sensibiliser les acteurs à l’urgence et aux opportunités offertes par la transition énergétique et numérique », a-t-il indiqué.

Pour le Pr Bouzid, l’objectif est de renforcer la compétitivité et la modernisation de l’économie maritime nationale, en encourageant la mise en œuvre de projets concrets et de solutions innovantes qui seront ensuite déployées à l’échelle régionale et méditerranéenne.

Des projets pilotes et des partenariats euro-méditerranéens

Le Pr Boumediene Balaadjine, coordinateur des projets européens au sein du laboratoire LSIM, a présenté les projets phares développés dans le cadre de la coopération internationale. Le premier concerne la numérisation et la régulation des ports méditerranéens. Il vise à définir des critères de contrôle des émissions, améliorer la transparence des opérations portuaires et tester des systèmes numériques avancés incluant caméras et moteurs électriques. Un des ports d’Oran – soit celui de la ville ou d’Arzew ou le port d’Oran– servira de site pilote pour expérimenter ces solutions avant leur généralisation.

Le second projet se concentre sur la gouvernance partagée des villes côtières et la préservation des écosystèmes marins. Il repose sur la surveillance en temps réel de la qualité de l’eau et des aires marines protégées, grâce à des bouées équipées de capteurs et de caméras thermiques, ainsi que sur le développement d’algorithmes sophistiqués pour analyser les données. Ces projets,  menés en partenariat avec l’Italie, l’Espagne, la Jordanie, Malte, la Tunisie et l’Égypte, permettra de prévenir les anomalies environnementales et de mettre en place une gestion collaborative et durable des zones portuaires méditerranéennes.

L’échange d’expériences au service de la transition

La conférence a également accueilli plusieurs intervenants internationaux, comme Eleonora Ercoli, participante italienne au workshop GREENMEDPORTS, qui a insisté sur l’importance du réseautage et du partage d’expériences entre acteurs européens et méditerranéens. « Ces rencontres sont essentielles pour créer des passerelles entre pays et développer des projets communs autour de la transition numérique et environnementale dans le secteur maritime », a-t-elle affirmé.

Andrea Lorenzine, expert italien, a souligné le rôle de la coopération internationale et de l’échange de données pour réussir la transition énergétique et digitale des ports. Il a rappelé que l’Algérie, membre depuis 2024 du programme européen Interreg NEXT MED, participe à des projets visant à classifier les ports selon des critères environnementaux et énergétiques et à développer des plateformes numériques de suivi et d’analyse. Les outils opérationnels, tels que les capteurs, bouées de surveillance et dashboards d’analyse, permettront un suivi en temps réel de la qualité de l’eau et des écosystèmes marins, notamment dans le port pilote d’Oran.

SHARE4MED : renforcer la gouvernance locale et la transition écologique

Parallèlement, l’ICEDTMS 2025 constitue également un cadre de lancement et de suivi de projets structurants comme SHARE4MED, cofinancé par l’Union européenne dans le cadre du programme Interreg NEXT MED. Ce projet, qui s’étend sur 30 mois et bénéficie d’un budget de 1,1 million d’euros, vise à renforcer les capacités institutionnelles des municipalités pour piloter la transition écologique et climatique dans les territoires côtiers du sud de la Méditerranée.

SHARE4MED se fixe plusieurs objectifs majeurs, notamment la protection d’au moins 30 % des espaces marins, la restauration de 25 000 kilomètres de cours d’eau à leur état naturel, la réduction de 50 % des déchets plastiques rejetés en mer et de 30 % des microplastiques, ainsi que le soutien au développement d’une économie bleue circulaire et neutre en carbone, conciliant croissance territoriale et préservation des écosystèmes.

À Oran, le projet se traduit par des actions pilotes innovantes, telles que la création d’un brise-lames écologique combinant restauration de l’habitat côtier et activités pédagogiques pour les jeunes. SHARE4MED vise également à mutualiser les outils et savoir-faire entre municipalités d’Algérie, d’Italie et de Tunisie pour maximiser l’impact collectif des actions entreprises.

GREENMEDPORTS : vers des ports méditerranéens durables

Le deuxième projet phare présenté lors de la conférence, GREENMEDPORTS, ambitionne de créer un réseau de « ports verts » en Méditerranée. L’objectif est de réduire l’empreinte carbone et d’améliorer l’efficacité énergétique des ports et du transport maritime. Une « Marque des Ports verts méditerranéens » sera instituée, récompensant les ports respectant des critères stricts de durabilité environnementale et énergétique.

Le projet prévoit la mise en œuvre d’initiatives concrètes comprenant la conception d’une calculatrice d’empreinte carbone portuaire destinée à mesurer l’impact des escales selon les carburants utilisés et le volume de trafic, l’intégration de solutions d’intelligence artificielle et de systèmes de transport intelligents pour approfondir l’analyse et l’optimisation des pratiques portuaires, ainsi que le développement de technologies dédiées à la construction navale durable, au recyclage écologique des navires et au recours accru aux énergies renouvelables.

Ces actions confirment que la transformation écologique et digitale des ports méditerranéens constitue à la fois une priorité environnementale et un levier stratégique pour renforcer la compétitivité, la sécurité et l’attractivité des infrastructures maritimes.

Une conférence tournée vers l’action et l’innovation

La première journée de l’ICEDTMS 2025 a permis de poser les bases d’un dialogue constructif entre acteurs académiques, industriels et institutionnels. Les interventions ont mis en lumière la complémentarité entre recherche scientifique, innovation technologique et politiques publiques. Les participants ont échangé autour de solutions concrètes portant sur l’optimisation énergétique et environnementale des infrastructures portuaires, la digitalisation des opérations maritimes et portuaires, la surveillance et la préservation des écosystèmes marins, ainsi que le développement de la coopération transfrontalière et du partage de données afin de renforcer la gouvernance régionale.

Les intervenants ont souligné l’importance d’impliquer les jeunes chercheurs et ingénieurs dans ces dynamiques afin d’assurer la continuité des projets et de former une nouvelle génération de professionnels capables de relever les défis de la transition énergétique et numérique du secteur maritime.

Oran, exemple concret de la coopération euro-méditerranéenne

À travers l’ICEDTMS 2025, Oran confirme sa position de hub scientifique et technologique méditerranéen, fédérant des initiatives structurantes autour de la protection de l’environnement, de l’innovation technologique, de la digitalisation et de l’efficacité énergétique. Les projets SHARE4MED et GREENMEDPORTS illustrent la convergence des objectifs européens et régionaux au service d’une économie bleue plus responsable et performante.

Perspectives et prochains défis

Les travaux se poursuivent ce mercredi 3 décembre avec de nouvelles communications scientifiques destinés à identifier d’autres projets pilotes et à renforcer les partenariats entre universités, centres de recherche et opérateurs du secteur maritime. À moyen terme, l’ICEDTMS ambitionne de devenir un rendez-vous annuel de référence pour la diffusion des innovations et le partage des bonnes pratiques en matière de transition énergétique et de digitalisation maritime.

La première édition de l’ICEDTMS 2025 a démontré l’importance de conjuguer recherche, innovation et coopération internationale pour relever les défis du secteur maritime. Entre initiatives concrètes, projets pilotes ambitieux et échanges d’expertise, la conférence a placé l’Algérie au cœur des dynamiques méditerranéennes de transition énergétique et numérique, tout en consacrant Oran comme un laboratoire vivant de l’économie bleue et de la durabilité portuaire.