L’Afrique l’heure de la souveraineté retrouvée

7

Wassila. B

Il est des moments où la diplomatie doit quitter les habits de la courtoisie pour revêtir ceux de la gravité. La clôture de la 12e édition du « Processus d’Oran » à Alger, marquée par le discours sans concession du ministre d’État Ahmed Attaf, fut l’un de ces moments de vérité. Loin des autosatisfactions d’usage, le chef de la diplomatie algérienne a posé un diagnostic clinique sur l’état d’un continent à la croisée des chemins. Ce n’était pas un simple discours de clôture, mais une sonnette d’alarme tirée au cœur d’une salle où résonnaient les inquiétudes de tout un continent.

Le constat est brutal, mais nécessaire : l’Afrique est assiégée. Elle l’est par une « triade » de périls que M. Attaf a eu le courage de nommer sans détour. D’abord, la banalisation des changements anticonstitutionnels. Lorsque les coups d’État deviennent une « scène familière », c’est l’État de droit qui agonise et la légitimité des institutions qui s’effondre. Ensuite, le terrorisme, qui a muté. Il ne s’agit plus seulement de groupes épars menant des escarmouches, mais de véritables entités cherchant à se substituer aux États, contrôlant des territoires et défiant la souveraineté nationale, particulièrement au Sahel.

Mais le péril le plus insidieux reste sans doute le troisième volet de cette triade : l’ingérence étrangère. C’est là que réside le cœur du message algérien. L’Afrique est devenue le terrain de jeu de rivalités qui ne sont pas les siennes. En laissant les clés de la résolution des conflits à des acteurs extérieurs, le continent s’est dépossédé de sa propre destinée. Cette sous-traitance de la sécurité a prouvé son inefficacité, voire sa nocivité, transformant des crises locales en théâtres d’affrontements géopolitiques globaux.

Face à ce tableau sombre, le « Processus d’Oran » s’affirme non plus comme un simple forum de discussion, mais comme une doctrine de résistance. La réponse proposée par l’Algérie est claire : la réappropriation. Le concept de « solutions africaines aux problèmes africains » cesse d’être un slogan romantique pour devenir un impératif de survie stratégique. Il s’agit de construire un cordon sanitaire diplomatique pour protéger l’Afrique des tempêtes mondiales.

C’est tout le sens de l’élargissement de l’audience de ce séminaire. La présence inédite de membres du Conseil de sécurité de l’ONU non-africains (Bahreïn, Colombie, Lettonie) prouve que lorsque l’Afrique parle d’une voix cohérente, le monde écoute. Cette cohérence est la pierre angulaire de la stratégie algérienne : unifier le Conseil de Paix et de Sécurité de l’UA avec le groupe des membres africains au Conseil de sécurité de l’ONU (le groupe A3).

L’équation est implacable : divisée, l’Afrique est ignorée ; unie, elle devient incontournable. L’Algérie, forte de son expérience et de son mandat au Conseil de sécurité, se pose en garante de cette unité. Elle rappelle que la souveraineté ne se donne pas, elle s’arrache par la cohésion.

En citant Julius Nyerere, Ahmed Attaf a rappelé aux dirigeants actuels leur responsabilité historique. L’unité ne rendra peut-être pas l’Afrique riche immédiatement, mais elle la rendra respectable. Le Processus d’Oran vient de tracer la ligne rouge : il n’y aura pas de paix durable tant que les décisions concernant l’Afrique seront prises ailleurs qu’en Afrique. Le temps de la lucidité est venu ; espérons que celui de l’action collective suivra sans délai.