Linda Otsmane
Environ vingt jours après la secousse tellurique qui a secoué la ville d’Arzew et ses environs, une centaine de familles, en tout, dont une vingtaine continuent à vivre sous les tentes à l’air libre, de crainte d’être ensevelies par d’éventuels effondrements, écrasées sous les remblais de veilles bâtisses qu’elles occupent depuis belle lurette. Un simple tour au centre-ville, plus précisément dans les ruelles du Viel Arzew, où l’état des immeubles passe de tout commentaire du fait de la dégradation prononcée de l’ossature architecturelle rongée par les aléas de la nature au fil des ans. Au niveau de cette partie de la ville, des familles entières continuent d’affronter les méfaits des la nature suite aux recommandations des ingénieurs du CET qui leur ont conseillé d’abandonner immédiatement leurs demeures compte tenu du danger imminent qui les guette à tout moment. D’après les déclarations de certains « sinistrés » squattant les trottoirs depuis une vingtaine de jours déjà, où cette mesure prise à titre provisoire en attendant de trouver des solutions adéquates, ne fait que perdurer dans l’espoir de voir l’instance des autorités locales pour étudier le cas de ces personnes en détresse, cas par cas, après bien entendu, la délibération du PV final que prépare le Comité National du Contrôle Technique. Sachant que plusieurs cas « sociaux » figurent parmi les sinistrés, dont des femmes divorcées, des enfants en bas âge, en plus d’une femme opérée récemment pour des complications liées à une maladie cancéreuse, ainsi qu’un handicapé à 100 %. Même constat vécu par une vingtaine de familles recasées dans de vieilles maisons à la cité « Mohamed Fertas ». Sur place, notre équipe s’est enquise du statut légal de l’ensemble des occupants qui ont dressé des tentes à l’intérieur même des cours des bâtisses. Or, les entretiens que nous avons eu avec les familles nous a permis de constater que la plupart ne détiennent aucune pièce justificative leur permettant de faire des réclamations ou de demandes d’interventions auprès des services compétents comme l’OPGI ou encore les services techniques de l’APC. «Avec la prédominance du phénomène de l’exode rural provoqué par le terrorisme qui a chassé des campagnes des milliers de personnes, ces familles viennent d’autres wilayas du pays pour s’y installer et à jouir de la sécurité. Dépourvues de revenus mensuels stables, ces familles étaient contraintes de se procurer un gîte avec un loyer plus au moins abordable, obligées à opter pour la location chez des particuliers possédant des bâtisses datant depuis plus d’un siècle », apprend- on de sources de l’OPGI d’Arzew. Cette explication, étant concevable, est la rasion principale pour laquelle cette catégorie de demandeurs de logements s’est vue exclue des différents programmes de relogement accordant la priorité aux postulants demandeurs originaires de la ville. De son côté, une femme, locatrice dans l’une de ces maisons, nous confie : «Sincèrement, nous n’avons plus le courage pour renter chez nous. Toutes les chambres sont pratiquement dégradées. Les fissures apparaissent un peu partout, sur les toits, les plafonds et encore même les murs porteurs. Notre relogement est devenu une priorité pour ceux qui ont vraiment la volonté pour sauver des vies humaines ». Jusqu’à l’heure où nous mettons sous presse, toutes les personnes sinistrées maintiennent leurs positions, décidées à ne plus abonner leurs abris de fortune jusqu’à ce que leurs revendications soient prises sérieusement en considération. Devant l’ambigüité qui entoure ce dossier, nous étions contraints de s’adresser à la daïra d’Arzew pour clarifier la situation et donner plus d’illustrations sur l’avancement du travail fait par les membres de la cellule de crise installée, à cet effet, par le chef de daïra sur instructions du wali d’Oran, Cette cellule, est composée, rappelons-le, par des représentants de l’OPGI, la direction de l’Urbanisme de la wilaya, ceux de la sécurité et des institutions locales (APC, daïra et Protection civile). Donnant la parole au premier responsable de cette institution publique, M. Azziz Azzeddine, a révélé que «toutes les constructions endommagées suite au séisme font actuellement l’objet d’une étude spécifique par les ingénieurs du CTC. Ainsi, une quarantaine de spécialistes en architecture, entre ingénieurs et techniciens supérieurs (TS) en bâtiments et travaux d’engineering ont établi, après plusieurs visites d’inspection, des procès verbaux (PV) de constats détaillés sur l’état des constructions affectées par les secousses et leurs classements en zones « rouge » et « orange ». Une fois ficelés, tous les rapports d’expertise seront remis à la DUC (Direction de l’Urbanisme et de la Construction) pour trancher sur la nature des propositions à faire, en collaboration avec les autorités locales. Il s’agit surtout du relogement pour ceux qui n’ont jamais bénéficié d’un logement suivant l’enquête de la commission de daïra chargée de faire des investigations sur les postulants demandeurs, ainsi que des travaux de réhabilitation à effectuer dans les bâtisses récupérables du point de vue technique. Le même interlocuteur a rappelé que les sinistrés du quartier populaire « Petit Lac » à Haï « El Guitna » ont accepté le relogement provisoire en attendant que leurs logements soient démolis et reconstruits de nouveau. Il est à noter que les « faux sinistrés » seront écartés de tout programme prévu dans le cadre de la prise en charge de cette catégorie. En effet, il a été constaté que certaines personnes habitant d’autres cités et même hors commune ont profité de la situation pour venir s’installer parmi les sinistrés dans le but de décrocher un logement social ou une aide financière. Ces derniers ont été identifiés par certains élus et seront auditionnés par les membres de la commission avant de rentrer chez eux.
Une municipalité passive
La passivité des gestionnaires locaux devant cette épreuve des plus difficiles a dévalué tous les efforts consentis jusqu’au- là pour résoudre ce dossier qualifié « d’épineux ». Une politique livrée à l’échec que celle appliquée par la municipalité locale, à leur tête le chef de daïra, selon les échos de toute une population outrée par l’insouciance envers ces cas « sociaux ». Selon un élu, les responsables concernés ont mal réagi au moment du séisme où il fallait annoncer l’état d’alerte général pour classer Arzew en « zone sinistrée ». A partir de là, les mêmes dirigeants pourraient intervenir au profit des habitants via la «Caisse d’aide aux sinistrés lors des catastrophes naturelles ». Cette hypothèse a été critiquée par d’autres qui disent que ce classement est soumis à des conditions appropriées et que ce statut de « zone sinistrée » est soumis à des normes délimitant la gravité de la catastrophe et le nombre des dégâts humains et matériels.
Un dossier lourd
« L’étude relative à l’identification des bâtisses menaçant ruine qui a été confiée au laboratoire de recherches relevant de l’Université d’Oran a indiqué que 50 % des immeubles datant de l’ère coloniale ont besoin d’un entretien. Cette étude a révélé également que l’APC doit entreprendre un programme de démolition pour parer aux effondrements des bâtisses dont la date de construction remonte au 18 ème siècle. « Les raisons de la dégradation de ces constructions, sont dues essentiellement à l’absence des opérations d’entretien, notamment en ce qui concerne les logements appartenant à des particuliers.
D’ailleurs, la gestion de ce dossier a été confiée à un expert en appontage dans le but d’entamer une enquête sur les propriétaires originaux et actuels des biens », apprend-on de sources municipales. Le sondage effectué par les ingénieurs chargés de l’étude, a démontré que plus de 75% des personnes occupant des constructions délabrées acceptent le relogement, pourvus que les autorités locales prennent en considération la situation sociale, soit le nombre de membres de chacune des familles. Concernant la dégradation des parties communes des immeubles, nos sources affirment que cette situation est aggravée par l’infiltration des eaux. Un problème qui se pose pratiquement dans toutes les bâtisses situés au centre- ville.