Zitouni Mustapha
Nul besoin d’appel, encore une fois les algériens sont sortis par millions à travers toutes les villes du pays pour un 5e vendredi consécutif depuis l’autre date devenue référence du 22 février.
A chaque vendredi son slogan et chaque manifestation a eu ses curiosités, ses coups de cœurs et ses coups de gueules mais le tout dans une joie partagée pacifiquement et la bonne humeur. Femmes, enfants et des familles entières, des jeunes, des plus vieux ont participé aux marches et ni la fatigue ni fin de semaine, n’ont dissuadé les algériens, tous voulaient ce « j’y étais » et en aucun cas, il était question de faire défaut aux millions d’algériens qui continuent d’étonner la planète.
Ce vendredi 22 mars, même le couscous était préparé et bien couvert par du film cellophane pour faire hygiénique, un couscous offert par des familles algériennes pour ceux et celles qu viennent de loin et surtout pour perpétuer, la tradition algérienne du partage et de la solidarité sans aucune démagogie. Certes, les manifestations de ce vendredi ont été marquées par ce côté festif à Oran comme à Alger, Tiaret, Batna ou Annaba. À Oran, des citoyens ont offert de l’eau minérale, des bonbons et des jeunes et des femmes ont dansé et chanté ensemble, au rythme de chansons et de chants patriotiques.
La journée de ce vendredi comme les précédentes, ont été plutôt calme. La grande majorité des manifestants ont marchés à travers le front de mer ou l’avenue Larbi Ben M’Hidi, et aucun bien public ou privé n’ont été égratignés.
L’emblème national, le lien commun des algériens
Les manifestants ont tous brandi fièrement l’emblème national et ses belles couleurs symboliques, en scandant « Silmia Silmia » devenue le mot d’ordre en rejetant toute forme de violence.
.. Et maintenant les algériens attendent la suite
A travers toutes les régions du pays, d’est en ouest et du nord au sud, les algériens d’une même voix, reprennent les mêmes slogans, le départ du président à la fin de son mandat, l’organisation d’un processus de transition sérieux pour mener définitivement le pays vers la voie de la démocratie. Comme ils ont également réaffirmé leur détermination et le caractère pacifique de leur mouvement et pourtant le black-out se fait entendre, et pourtant du côté du peuple, le message est on ne peut clair mais, il ne semble pas encore entendu.
Les manifestations en Algérie suscitent l’admiration de tous les pays de leurs citoyens et de leurs gouvernants, sauf à l’intérieur du pays.
Un mois après le début du mouvement, nous sommes donc face à ce qui ressemble de plus en plus à une impasse politique. En persistant à vouloir imposer sa solution, le pouvoir ne fait que renforcer la détermination de la rue, avec le risque de voir le bras de fer s’installer dans la durée. Or, le pays ne peut pas se permettre de vivre durablement dans la contestation. L’économie est fragile et elle a besoin de réformes et de décisions urgentes de sauvegarde. Plus globalement, le pays a besoin de retrouver un fonctionnement normal de ses institutions.
les yeux rivés sur l’armée nationale
Dans ce contexte, tous les regards se tournent vers l’armée nationale.
Aujourd’hui, le président Bouteflika tire sa légitimité de son mandat qui n’expire que le 28 avril et du soutien, encore intact, de l’armée. L’ANP est dans son rôle : elle obéit au président élu par les Algériens, même s’il est contesté dans la rue.
Mais sa légitimité de président que personne ne conteste, elle ne doit pas servir d’argument pour imposer un plan qui va engager l’avenir du pays. Ce plan, qui s’articule autour d’une période de transition aux contours imprécis, a été rejeté massivement par les Algériens. L’armée ne doit pas le soutenir.
Mais elle ne doit pas non plus chercher à imposer son propre plan.
L’expérience de 1992 a montré les limites de l’implication directe de l’armée dans un processus politique. L’ANP doit juste se tenir aux côtés des Algériens et accompagner un processus de transition sérieux et démocratique.