À l’occasion de la 13e édition du salon Africa & Mediterranean Energy & Hydrogen Exhibition and Conference (NAPEC 2025), le président-directeur général de l’Agence nationale pour la valorisation des ressources en hydrocarbures (ALNAFT), Samir Bakhti, détaille la stratégie nationale de promotion du domaine minier, le bilan du précédent appel à la concurrence et les grandes orientations à venir. Entre transparence, attractivité et diversification, il explique comment l’Algérie entend renforcer son rôle dans la transition énergétique mondiale.
Par Fatima Benyekhlef
Cap dz: Vous avez évoqué lors du salon une nouvelle dynamique de promotion du domaine minier des hydrocarbures. En quoi consiste concrètement cette stratégie ?
Samir Bakhti: Notre mission première, à ALNAFT, est de promouvoir le domaine minier national des hydrocarbures. Cela signifie encourager la recherche, la prospection, le développement et l’exploitation de nos ressources, en mettant en avant le potentiel considérable de l’Algérie.
Notre pays dispose d’un domaine d’une superficie de près de 1,7 million de km², incluant les zones offshore. C’est un espace immense, très hétérogène d’un point de vue géologique et technique. Face à cette complexité, il est essentiel de diversifier les partenaires et d’intégrer les nouvelles technologies.
C’est pourquoi notre stratégie repose sur une feuille de route claire : approfondir d’abord la connaissance du sous-sol à travers des études scientifiques et géophysiques, puis valoriser ces résultats afin d’attirer les investisseurs. Nous menons actuellement, avec la société SLB, une série d’études regroupées dans le projet EXALT, qui couvre différentes zones onshore et offshore. Les conclusions de ces travaux seront partagées avec les compagnies pétrolières pour susciter leur intérêt et faciliter de futurs partenariats.
L’Algérie cherche donc à attirer davantage d’investissements étrangers ?
Tout à fait. Le domaine minier algérien est beaucoup trop vaste pour être couvert uniquement par la compagnie nationale Sonatrach. L’implication d’investisseurs étrangers est donc une nécessité, non pas pour déléguer notre souveraineté, mais pour accélérer la valorisation de nos ressources grâce à l’apport de capitaux, de technologies et d’expertises spécifiques.
Nous encourageons les investissements directs étrangers dans une logique gagnant-gagnant. ALNAFT agit comme facilitateur et régulateur, garantissant la transparence des appels à la concurrence et la cohérence technique des projets. C’est ce qui nous permet d’entretenir une relation de confiance avec les grandes compagnies internationales.
Quel bilan tirez-vous du précédent appel à la concurrence ?
L’appel à la concurrence lancé en 2024 a été un succès significatif. Nous avions présenté six périmètres, et cinq ont été attribués à des compagnies de référence. Ce résultat montre que le marché international croit au potentiel énergétique algérien et à la stabilité de notre cadre juridique.
Nous avons pu, à travers cette opération, évaluer la réceptivité des investisseurs et identifier les aspects à améliorer dans notre offre. Ces enseignements nous servent aujourd’hui à préparer le prochain appel à la concurrence, qui sera plus ouvert, plus transparent et plus ciblé.
Justement, quelles sont les nouveautés prévues pour le prochain appel ?
Nous avons souhaité changer d’approche. Plutôt que de surprendre le marché avec des périmètres annoncés directement lors de l’appel, nous avons choisi d’impliquer l’industrie en amont.
Concrètement, nous avons pré-sélectionné une vingtaine de blocs, que nous rendrons publics avant la fin de l’année 2025, accompagnés de fiches techniques détaillant le potentiel, les défis géologiques et les conditions d’accès.
Les compagnies pétrolières intéressées pourront ainsi analyser ces données et faire part de leurs observations. Nous tiendrons compte de leurs retours pour ajuster la sélection finale, qui portera sur six à dix périmètres dans le cadre du prochain appel. C’est une démarche de transparence et de co-construction : nous voulons offrir des opportunités adaptées aux besoins réels du marché tout en valorisant efficacement notre domaine minier.
Cette nouvelle méthode traduit-elle une volonté d’ouverture accrue ?
Oui, et c’est essentiel. La confiance est au cœur de notre démarche. Nous voulons que les partenaires étrangers perçoivent l’Algérie comme un pays fiable, stable et prévisible dans sa politique énergétique.
La législation algérienne offre une grande flexibilité contractuelle : elle nous permet de définir pour chaque projet un modèle adapté, qu’il s’agisse d’un partage de production, d’un contrat de services à risques ou d’un partenariat mixte. Cette souplesse constitue un atout majeur face à la diversité des projets et des acteurs.
Le NAPEC est reconnu comme un espace privilégié de dialogue. Qu’a représenté cette édition 2025 pour ALNAFT ?
C’est un rendez-vous incontournable pour tout l’écosystème énergétique de la région. L’événement réunit aussi bien les institutions nationales que les grands groupes internationaux.
Pour ALNAFT, c’est une occasion unique de dialogue direct avec nos partenaires actuels et potentiels. La proximité favorise des discussions franches et productives, notamment sur les modèles économiques, les conditions contractuelles et les attentes technologiques des investisseurs.
Cette année, nous avons également profité du salon pour annoncer plusieurs avancées concrètes. Nous avons notamment paraphé un accord de coopération avec la société omanaise Petrogaz pour la réévaluation et le redéveloppement d’un gisement mature confronté à des difficultés de production. L’objectif est d’identifier des solutions techniques innovantes pour relancer la production et, à terme, déboucher sur un contrat d’investissement.
Peut-on dire que ces rencontres ont aussi permis de consolider des partenariats existants ?
Absolument. Plusieurs discussions engagées depuis des mois avec des compagnies majeures comme Chevron, Exxon ou encore Occidental ont progressé grâce à ces échanges directs. Le NAPEC nous offre un cadre propice pour ajuster nos collaborations en fonction des nouvelles données disponibles et des priorités de chaque partie.
C’est aussi un espace de coordination entre acteurs algériens : le ministère de l’Énergie et des Mines, Sonatrach et ALNAFT travaillent main dans la main pour présenter une image cohérente et unifiée du secteur. Cette coordination renforce notre crédibilité et rassure les investisseurs.
Le prochain appel à la concurrence portera-t-il uniquement sur des périmètres terrestres ?
Le prochain appel se concentrera principalement sur des périmètres onshore conventionnels, mais nous n’excluons pas l’offshore. Nous étudions actuellement plusieurs zones côtières prometteuses. Si les études s’achèvent à temps, un bloc offshore pourrait être inclus dès 2026.
Sinon, nous envisageons un appel spécifique consacré à l’offshore en 2027, une fois que nous aurons accumulé suffisamment de données techniques et de retours d’expérience.
L’idée n’est pas d’aller vite, mais d’aller juste, avec une évaluation rigoureuse des risques et du potentiel de chaque site.
Vous avez parlé d’une “feuille de route quinquennale glissante”. Que signifie cette approche pour ALNAFT ?
Nous avons établi un plan sur cinq ans, ajustable selon les résultats obtenus. Cela nous permet de conserver une dynamique continue d’appels à la concurrence : un appel chaque année, pour maintenir l’intérêt des investisseurs et capitaliser sur les succès précédents.
En 2025, sept contrats ont déjà été signés, et un huitième le sera prochainement avec une compagnie saoudienne. Notre ambition est de porter ce rythme à une dizaine de contrats par an.
Chaque signature représente une opportunité supplémentaire pour diversifier notre production, stimuler la recherche et consolider le transfert de savoir-faire.
Outre les appels à la concurrence, menez-vous d’autres formes de coopération ?
Oui, en parallèle, nous lançons régulièrement des appels à manifestation d’intérêt sur des thématiques spécifiques. L’un des plus importants concerne les réservoirs carbonatés, un domaine encore peu exploité en Algérie.
Actuellement, une exploitation limitée à Hassi R’mel permet de produire environ 12 millions de m³ de gaz par jour, mais le potentiel reste énorme. Nous voulons approfondir la compréhension de ces structures complexes, identifier leurs limites techniques et, à terme, les intégrer pleinement dans le processus des appels à la concurrence.
Cette démarche thématique est très prometteuse : elle combine recherche scientifique, innovation technologique et attractivité économique.
Le contexte international, entre transition énergétique et volatilité des marchés, influence-t-il votre stratégie ?
Inévitablement. Le monde traverse une mutation énergétique majeure. Même si les énergies renouvelables progressent, les hydrocarbures — et notamment le gaz naturel — demeurent essentiels pour assurer la sécurité énergétique mondiale à court et moyen terme.
L’Algérie, en tant qu’acteur reconnu sur la scène énergétique, doit saisir cette fenêtre d’opportunité. Le gaz, énergie fossile la moins carbonée, restera un pilier du mix énergétique pendant encore plusieurs décennies. Notre objectif est donc de valoriser pleinement nos ressources tout en préparant la transition vers une production plus propre et plus efficiente.
En un mot, quel message souhaitez-vous adresser aux investisseurs ?
Je dirais que l’Algérie est ouverte, stable et prête. Nous avons un domaine minier riche, une législation moderne, une volonté politique affirmée et un écosystème institutionnel cohérent. L’ALNAFT s’engage à offrir un cadre transparent, compétitif et flexible, où chaque partenariat repose sur la confiance et la performance.
Nous ne cherchons pas seulement des investisseurs, mais des partenaires de long terme qui partagent notre vision d’un développement énergétique durable et mutuellement bénéfique.
Propos recueillis à Oran lors du salon Africa & Mediterranean Energy & Hydrogen Exhibition and Conference (NAPEC 2025).