Wassila. B
Au siège du ministère des Affaires étrangères à Alger, la double célébration de la Journée de la diplomatie algérienne et du quatre-vingtième anniversaire de la fondation des Nations Unies a donné lieu à une allocution dense et solennelle du ministre d’État, Ahmed Attaf. Son discours, à la fois rétrospectif et prospectif, a mis en lumière la profondeur des liens unissant l’Algérie et l’organisation internationale, tout en réaffirmant les principes constants de la diplomatie algérienne : la justice, le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes et la primauté du droit international.
Dès l’entame, le chef de la diplomatie a rappelé que la relation entre l’Algérie et l’ONU plonge ses racines dans la lutte de libération nationale. En effet, l’inscription de la cause algérienne à l’ordre du jour de l’Assemblée générale, le 30 septembre 1955, fut un moment fondateur, marquant la reconnaissance internationale du combat du peuple algérien contre le colonialisme. Attaf a tenu à rendre hommage aux treize pays frères et amis – notamment l’Arabie saoudite, l’Égypte, l’Inde ou encore l’Indonésie – qui avaient porté la voix de l’Algérie sur la scène onusienne à la suite de la Conférence de Bandung. « L’histoire de notre nation conserve dans ses pages les plus brillantes les noms de ces pays », a-t-il souligné, rappelant que ce soutien international a contribué à légitimer la révolution algérienne et à enrichir la doctrine onusienne de la décolonisation. En inscrivant sa Journée nationale de la diplomatie à la date du 8 octobre 1962, jour de l’adhésion de l’Algérie à l’ONU, le pays a voulu sceller symboliquement cette appartenance à l’ordre multilatéral. Pour Attaf, cette date relie deux anniversaires : celui des Nations Unies et celui de la reconnaissance internationale de l’État algérien indépendant. Ce lien indissociable entre souveraineté nationale et solidarité internationale résume la philosophie diplomatique de l’Algérie depuis plus de six décennies.
Mais le ministre n’a pas manqué d’exprimer une certaine amertume face à la situation actuelle du système multilatéral. Il a regretté que les principes de la Charte des Nations Unies, conçue comme un « phare de justice et de paix », soient trop souvent bafoués par des logiques de puissance, de polarisation et d’abus. Ce constat, a-t-il rappelé, nourrit la vision du président Abdelmadjid Tebboune, qui oriente la politique étrangère du pays autour de valeurs fondamentales et non d’intérêts conjoncturels. C’est dans cet esprit que l’Algérie, membre non permanent du Conseil de sécurité, milite aujourd’hui pour promouvoir un ordre international plus équitable. « Nos positions ne sont dictées ni par des intérêts étroits, ni par des calculs immédiats, » a affirmé Attaf, réitérant la fidélité de l’Algérie à la vérité, au droit et à la légitimité internationale. Deux dossiers illustrent particulièrement cette constance : la Palestine et le Sahara occidental. Le ministre a rappelé avec fierté que l’Algérie fut, en 1988, le théâtre de la proclamation de l’État palestinien, et la première à le reconnaître officiellement. Aujourd’hui encore, alors que la Palestine subit de nouvelles tragédies, Attaf voit dans le mouvement mondial de reconnaissance de cet État « une résonance directe de la voie tracée sur le sol algérien ». Pour Alger, la création de l’État palestinien demeure « indispensable, inévitable et incontournable » pour la paix au Proche-Orient.
Concernant le Sahara occidental, il a réaffirmé que la position de l’Algérie reste inchangée : seule une solution conforme à la légitimité internationale et au droit du peuple sahraoui à l’autodétermination peut être viable. Toute tentative de règlement en dehors du cadre onusien, a-t-il insisté, ne saurait être acceptée.
Au-delà de ces enjeux politiques, le ministre a également évoqué l’ancrage africain de la diplomatie algérienne. L’accueil récent à Alger de la quatrième Foire commerciale intra-africaine illustre, selon lui, la volonté de l’Algérie de jouer un rôle moteur dans la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf), en favorisant les échanges, l’investissement et l’intégration économique. Cette orientation traduit une diplomatie qui conjugue solidarité politique et coopération économique, fidèle à l’esprit de Bandung et à l’idéal panafricain.
Ahmed Attaf a ainsi replacé cette double commémoration dans une perspective historique et morale : celle d’un pays dont la diplomatie demeure fidèle à ses origines révolutionnaires tout en regardant vers l’avenir. L’Algérie, a-t-il affirmé, continuera à défendre « les principes inhérents et profonds du droit et de la loi », qu’il s’agisse de la cause palestinienne, du Sahara occidental ou de la réforme du système multilatéral. En célébrant à la fois sa diplomatie et les Nations Unies, Alger réaffirme son ambition d’être non pas un simple acteur, mais une conscience active au service des peuples et de la justice internationale.