Meriem B 

Entre bacs à ordures débordants, odeurs nauséabondes, eaux usées et invasion de nuisibles, le cœur d’El Bahia vit une crise d’hygiène qui ternit gravement son image. Citoyens et commerçants tirent la sonnette d’alarme et interpellent les autorités.

Un décor touristique abîmé par l’insalubrité

Symbole de l’identité oranaise et vitrine touristique de l’Ouest algérien, le centre-ville d’Oran accueille chaque jour des milliers de visiteurs. Ses places emblématiques, ses boulevards animés et ses artères commerçantes sont des lieux de vie, de rencontres et de découverte. Mais derrière cette image séduisante, une réalité bien moins reluisante se cache : l’hygiène laisse à désirer, et la situation préoccupe de plus en plus les habitants.

Dans plusieurs quartiers, la dégradation saute aux yeux. Des bouches d’égout laissent s’échapper des eaux usées qui stagnent et dégagent des odeurs pestilentielles. À Haï Yaghmoracen (Saint Pierre), des carcasses d’immeubles évacués se sont transformées en dépotoirs sauvages.

Des bacs à ordures sales au cœur des lieux les plus fréquentés

Les rues Larbi Ben M’hidi et Mohamed Khemisti, parmi les plus fréquentées du centre-ville, sont ponctuées de bacs à ordures sales et mal entretenus. Mais c’est à la Place Nasr (Place des Victoires) que le contraste est le plus frappant. Haut lieu de passage et de rencontres, ce site emblématique est entouré de poubelles installées à proximité des sanitaires publics près de la Banque nationale d’Algérie, en face des arcades, et à côté de la station de bus desservant les lignes 11 et 101.

À quelques pas, l’avenue Karbi Tebesi (avenue de Loubet) mène directement au boulevard de l’ALN (Front de mer), prisé pour sa vue sur la baie, le port et Santa Cruz. Mais même là, certains coins sont défigurés par d’énormes bacs à ordures nauséabonds.

Un problème généralisé

La situation ne se limite pas à ces sites. À Miramar, face au lycée Lotfi, à la Place 1er Novembre (Place d’Armes) et à la Place El Mokrani (Valéro), le même tableau se répète : poubelles saturées, odeurs persistantes, eaux usées au coin des rues et absence de nettoyage régulier.

L’invasion des nuisibles

À ce décor s’ajoute un problème sanitaire inquiétant : la prolifération des rats et des cafards. En soirée, des centaines d’insectes envahissent trottoirs et entrées d’immeubles, se glissant jusque dans les commerces. « On vit avec les cafards. Ils sont partout dès la tombée de la nuit, et le matin on retrouve des dizaines de carcasses écrasées sur le trottoir », déplore Fatima, résidente près de la Place Victoire.

Un commerçant de l’avenue Larbi Tebessi confirme : « Les clients nous le disent. Certains n’osent pas s’asseoir en terrasse à cause de l’odeur et de la vue des poubelles. Ce n’est pas bon pour nos affaires, ni pour l’image d’Oran. »

Des touristes désenchantés

La déception n’épargne pas les visiteurs. Nadia, venue de Tizi Ouzou, témoigne : « Nous aimons venir ici, c’est un lieu mythique. Mais l’odeur est insupportable par endroits. On préfère parfois écourter nos promenades. »

Même constat pour un touriste algérois rencontré au boulevard Front de mer : « Oran est une ville magnifique, mais elle ne peut pas se contenter de beaux paysages. La propreté, c’est aussi l’image qu’on donne. »

Un touriste d’Annaba, croisé à la Place des Victoires, ajoute avec ironie : « Oran est belle… mais il faudrait qu’elle sente bon aussi. »

Un appel pressant aux autorités

Commerçants et habitants appellent aujourd’hui à une réaction rapide des autorités, en particulier du wali, Samir Chibani, pour engager un plan d’action durable. « On ne peut pas continuer à accueillir des touristes dans ces conditions. Cela donne une image négative de la ville et décourage les visiteurs de revenir », avertit Mourad, restaurateur au centre-ville.

Pour les riverains, la solution passe par un nettoyage régulier, un entretien constant des bacs à ordures, la lutte contre les nuisibles et la réparation rapide des fuites d’eaux usées. « Il faut un suivi quotidien, pas seulement des campagnes ponctuelles », insiste un habitant de Miramar qui évoque aussi le cas du marché des Aurès (La Bastille).

Si les efforts des services concernés sont particulièrement visibles dans les quartiers récents comme Akid Lotfi, dans d’autres zones périphériques et le long de plusieurs axes routiers, le centre-ville d’Oran, cœur historique et vitrine de la capitale de l’Ouest, semble rester à l’écart de cette dynamique. Or, il ne s’agit pas seulement d’un enjeu esthétique ou touristique : c’est aussi la qualité du cadre de vie de ses habitants qui est en jeu. Réhabiliter ses artères, améliorer la propreté de ses rues, entretenir ses espaces publics et valoriser son patrimoine bâti, c’est offrir aux riverains un environnement digne et agréable, tout en renforçant l’image et l’attractivité de la capitale de l’ouest auprès des visiteurs et investisseurs.

Message des citoyens : Oran est fière de son histoire, de ses monuments et de sa beauté naturelle. Mais pour rester « El Bahia », elle doit être propre. Et cette propreté ne peut être qu’un effort collectif, coordonné et constant.