Wassila. B
Le président Tebboune a reçu, hier, Rodolphe Saadé, PDG de CMA CGM, l’un des plus puissants armateurs mondiaux dans le transport maritime et de la logistique. C’est ce qu’a annoncé la présidence de la République sur sa page officielle Facebook. L’audience s’est déroulée en présence du directeur de Cabinet à la Présidence de la République, M. Boualem Boualem, et du ministre des Transports, M. Saïd Sayoud. Cette visite emprunte de réalisme économique intervient dans un contexte diplomatique glacial entre l’Algérie et la France, la réception du PDG de CMA CGM, Rodolphe Saadé, par le président Tebboune revêt une signification stratégique qui dépasse largement le cadre économique. Le fait que Tebboune ait personnellement reçu Saadé indique que cette rencontre dépasse le cadre strictement économique. Dans un contexte diplomatique tendu entre l’Algérie et la France, cette rencontre soulève de nombreuses interrogations, notamment sur la portée politique de cette visite reportée, puis réactivée, et sur un éventuel rôle de porteur d’un message d’apaisement que jouerait le patron français. La réception de Rodolphe Saadé par le président Tebboune dépasse largement le cadre d’une simple visite d’affaires. Elle s’inscrit dans un jeu diplomatique subtil où les intérêts économiques croisent les dynamiques politiques. Qu’il s’agisse d’un pas de Paris vers l’apaisement avec Alger ou d’une visite destinée à préserver des intérêts stratégiques, cette rencontre marque en tout cas un moment significatif dans les relations entre les deux pays. La rencontre n’est pas anodine. Le timing de cette audience n’échappe à personne. Depuis plusieurs mois, les relations diplomatiques entre Alger et Paris traversent une zone de turbulence, marquée par des désaccords politiques, mémoriels et migratoires. Dans ce climat, la présence de Rodolphe Saadé au Palais présidentiel algérien prend une dimension symbolique. Initialement prévu à la mi-avril, son déplacement avait été annulé, officiellement sans justification, mais le Conseil du renouveau économique algérien (CREA) avait attribué ce report à une recommandation des autorités françaises, dans le sillage des tensions diplomatiques croissantes. Rodolphe Saadé, qui entretient des liens étroits avec Emmanuel Macron, a finalement fait le déplacement. Ce revirement est perçu comme un signe possible d’ouverture et de désescalade de la part de la France, qui pourrait chercher à renouer le dialogue à travers des acteurs économiques d’envergure. Le patron de CMA CGM, proche du président Macron, pourrait ainsi jouer un rôle de « messager » officieux, dans une démarche qui mêle diplomatie économique et stratégie de dégel.
Vers un dialogue positif ?
Si les enjeux économiques sont indéniables, la portée politique de cette visite ne peut être ignorée. Dans un contexte où les canaux diplomatiques officiels peinent à se réactiver, la France pourrait recourir à de grands acteurs économiques pour envoyer des signaux positifs à Alger. Rodolphe Saadé, en sa double qualité d’homme d’affaires et de proche de l’Élysée, incarne un vecteur possible de ce dialogue positif.
CMA CGM, fondé en 1996 par la famille Saadé, est aujourd’hui un mastodonte du transport maritime mondial. Basé à Marseille, le groupe est le premier armateur français et le troisième au niveau mondial, avec un chiffre d’affaires dépassant les 55 milliards de dollars en 2024. Au-delà du fret maritime, CMA CGM s’impose également dans la logistique intégrée et les médias, consolidant sa position d’acteur stratégique incontournable dans les échanges commerciaux internationaux. L’Algérie, dotée d’un positionnement géostratégique en Méditerranée et d’une volonté de diversification économique, représente un partenaire potentiel majeur pour l’entreprise. L’amélioration des infrastructures portuaires algériennes, la modernisation de la logistique intérieure et l’ouverture à l’investissement étranger offrent un terreau favorable à des partenariats solides. Cette visite pourrait donc relancer ou accélérer des projets conjoints entre CMA CGM et les autorités algériennes, notamment dans le domaine portuaire et logistique, où le pays ambitionne de se positionner comme un hub régional.
Si cette rencontre ne rétablit pas immédiatement les canaux diplomatiques rompus, elle ouvre une brèche dans le mur des tensions. Plusieurs scénarios se dessinent : relance des projets portuaires de CMA CGM en Algérie, reprogrammation probable du sommet patronal CREA-Medef, et rôle facilitateur des acteurs économiques pour désamorcer les contentieux politiques. Reste à savoir si cette rencontre débouchera sur une véritable relance du dialogue bilatéral, ou si elle restera un épisode isolé dans une relation complexe et historiquement sensible.



















