Dans cet entretien exclusif accordé à Cap Dz, le journaliste et écrivain Fateh Lacheheb nous plonge dans son univers créatif, oscillant entre presse, littérature jeunesse et romans d’aventure et de science-fiction. À travers son dernier ouvrage, Sifar… la ville perdue, il met en lumière la beauté du désert algérien et les secrets de son patrimoine, tout en partageant son expérience de la fusion entre héritage culturel et imagination contemporaine, son parcours personnel, sa relation avec ses lecteurs et ses projets à venir. Un entretien qui révèle la passion de l’auteur pour le mystère et la création, et qui propose une vision authentiquement algérienne de l’avenir de la littérature.

Meriem B

Cap Dz : Après un long parcours dans le journalisme, la littérature jeunesse et le roman policier, comment décririez-vous l’évolution de votre parcours littéraire jusqu’à présent ?

Fateh Lacheheb : Écrire pour les enfants et les adolescents diffère complètement de l’écriture pour les adultes. Les romans destinés aux jeunes sont généralement courts, entre douze et vingt mille mots, en raison de la sensibilité des lecteurs et de leur capacité d’attention. Ils reposent sur une langue simple, compréhensible, et sur des idées éducatives transmises à travers des messages clairs. Aujourd’hui, je travaille sur un roman long, à la fois philosophique et social, qui demande un développement plus ample et un récit plus détaillé.

Cap Dz : Comment votre expérience dans le journalisme a-t-elle influencé votre style romanesque et votre manière de raconter les événements ?

Fateh Lacheheb : Le journalisme a considérablement enrichi ma pratique de l’écriture. Le journaliste doit s’adapter à différents types d’écriture, du reportage rapide à l’enquête approfondie, en passant par le portrait et le reportage immersif. Cette diversité m’a apporté une grande fluidité dans l’expression, notamment dans l’usage du récit et de la description, qui sont essentiels à la construction d’un roman.

Cap Dz : Pensez-vous que vos écrits reflètent une partie de votre identité algérienne ? Si oui, comment ?

Fateh Lacheheb : L’homme est le produit de son environnement. Je suis fier de mon appartenance à l’Algérie, de son histoire, de sa culture et de sa richesse patrimoniale. Cette appartenance se reflète dans tout ce que j’écris. Même lorsque j’évolue dans le registre de l’imaginaire, l’Algérie reste présente à travers la langue, les lieux et l’univers narratif. Elle fait partie intégrante de mon identité humaine et créative.

Cap Dz : Quelle a été l’idée principale à l’origine de Sifar… la ville perdue ?

Fateh Lacheheb : Je souhaitais mettre en valeur l’Algérie dans son ensemble, et plus particulièrement le désert, véritable trésor touristique encore sous-exploité. Bien que Sifar relève du roman de fiction, j’ai veillé à conserver les noms réels des lieux et des monuments, ainsi que le patrimoine matériel et immatériel, comme une forme de promotion de notre tourisme saharien.

Cap Dz : Pourquoi avoir choisi la ville de Djanet comme cadre de votre récit ?

Fateh Lacheheb : Djanet est une ville fascinante qui abrite la mystérieuse Sifar. Malheureusement, beaucoup d’Algériens la connaissent peu, alors que les Européens viennent chaque année découvrir sa beauté et ses mystères.

Cap Dz : Le roman mêle aventure, science-fiction et légende. Comment avez-vous créé ce mélange ?

Fateh Lacheheb : Je me suis inspiré du patrimoine culturel et du folklore local, selon lequel Sifar serait une ville de djinns, ainsi que des nombreuses gravures, plus de 15 000, représentant des créatures étranges. J’ai donc intégré cette tradition à l’idée d’une invasion extraterrestre, afin de parler aux adolescents et à la génération Z, qui grandissent dans un monde technologique rapide. Cela rend l’histoire proche de leurs centres d’intérêt.

Cap Dz : Les deux colliers mystérieux et l’oncle Mbarek sont des éléments centraux. Y a-t-il une symbolique particulière ?

Fateh Lacheheb : Les colliers étaient deux cadeaux du grand-père du héros, conservés pendant des années. Ils symbolisent le fait que l’on cherche parfois loin ce que l’on possède déjà, et qu’il suffit de croire en ses capacités. Quant à l’oncle Mbarek, il représente l’expérience et la sagesse, complétant l’énergie et l’ambition de la jeunesse.

Cap Dz : Comment avez-vous réussi à lier le patrimoine algérien aux concepts modernes, comme l’invasion extraterrestre et la science-fiction ?

Fateh Lacheheb : Sifar est une ville réelle, avec des gravures mystérieuses que la science moderne n’a pas encore décryptées. Cette découverte m’a inspiré à combiner science-fiction et racines culturelles. Ces gravures illustrent la vie quotidienne, les guerres, les femmes élégantes, et même ce qui ressemble à des soucoupes volantes.

Cap Dz : Y a-t-il une expérience personnelle qui vous a inspiré une partie du roman ?

Fateh Lacheheb : Ce qui m’a inspiré avant tout, c’est ma passion pour le mystère et mon amour des histoires de fiction et d’aventure.

Cap Dz : Quel est le passage que vous avez le plus aimé écrire ?

Fateh Lacheheb : Le moment où mes héros découvrent le secret de la lueur qui a intrigué les habitants de Djanet pendant des années.

Cap Dz : Quel message voulez-vous transmettre à vos lecteurs à travers cette aventure ?

Fateh Lacheheb : Que, malgré notre progrès, les civilisations anciennes nous ont précédés dans la science et la technologie, comme si nous marchions parfois à rebours du temps.

Cap Dz : Quel a été le plus grand défi lors de l’écriture ?

Fateh Lacheheb : Le plus difficile a été de créer des personnages vivants et crédibles.

Cap Dz : À quel public s’adresse ce roman ?

Fateh Lacheheb : Principalement aux jeunes et aux adolescents, dans le cadre de la littérature fantastique et d’aventure.

Cap Dz : Y a-t-il un personnage qui captivera davantage les jeunes que les adultes ?

Fateh Lacheheb : Probablement l’oncle Mbarek, par son mystère et sa sagesse, qui attire particulièrement le lecteur adolescent.

Cap Dz : Quel rôle voyez-vous pour la littérature dans la valorisation du patrimoine algérien ?

Fateh Lacheheb : On ne peut construire l’avenir en rompant avec le passé. Il faut relier les nouvelles générations à leur héritage, en utilisant des méthodes innovantes et les outils technologiques adaptés à leurs intérêts.

Cap Dz : Est-ce votre première participation au SILA ? Comment décririez-vous cette expérience ?

Fateh Lacheheb : Oui, c’est ma première participation au Salon International du Livre d’Alger. J’y présenterai Sifar… la ville perdue, publié en avril 2025 par la maison Tinehinnan à Tizi Ouzou, et je participerai à une séance de dédicaces le 30 octobre.

Cap Dz : Cette année, le SILA met à l’honneur la Mauritanie comme pays invité. Quelle est, selon vous, l’importance de ce type d’événement ?

Fateh Lacheheb : C’est une excellente opportunité pour renforcer les échanges culturels avec notre environnement arabe et africain, et tirer parti de la position géostratégique de l’Algérie et de la Mauritanie pour consolider l’amitié et la coopération culturelle.

Cap Dz : Y a-t-il des rencontres particulières que vous attendez avec impatience lors du salon ?

Fateh Lacheheb : Je suis impatient de rencontrer lecteurs, critiques et collègues écrivains, car ces échanges apportent une énergie nouvelle et permettent un contact direct avec le public.

Cap Dz : Après Sifar… la ville perdue, travaillez-vous sur d’autres projets littéraires ?

Fateh Lacheheb : Je prépare un roman philosophique et social qui explore le rapport de l’homme à sa réalité et à son identité. J’ai également deux romans prêts à être publiés prochainement.

Cap Dz : Envisagez-vous de continuer dans le registre du fantastique ou de l’aventure ?

Fateh Lacheheb : Oui, ce genre offre une grande liberté pour expérimenter et créer des mondes imaginaires qui reflètent profondément notre réalité humaine.

Cap Dz : Comment voyez-vous l’avenir de la littérature algérienne face aux changements culturels et technologiques ?

Fateh Lacheheb : La littérature algérienne doit se positionner efficacement dans un contexte technologique en évolution rapide, tout en préservant son identité authentique, et tirer parti des outils numériques pour favoriser la créativité et la diffusion culturelle.