Wassila. B 

Face à une économie encore largement dominée par les transactions en espèces, le gouvernement algérien amorce un virage stratégique majeur en faveur de la numérisation des paiements. Dans une réponse écrite à un député, le ministre des Finances, Abdelkrim Bouzerd, a dévoilé les contours d’un plan structuré en cinq axes, destiné à promouvoir les paiements électroniques et réduire l’usage du cash dans les échanges commerciaux. Le cœur de cette politique repose sur la mise en œuvre d’une stratégie nationale pilotée par le Comité national des paiements, un organe récemment mis en place pour encadrer la transition vers les moyens de paiement scripturaux : virements, cartes bancaires, chèques, et solutions numériques. Objectif affiché : accroître l’inclusion financière, faciliter les transactions bancaires et assainir l’économie informelle. Selon le ministre Bouzerd, cette feuille de route comprend cinq axes stratégiques. Le gouvernement entend d’abord moderniser les textes de loi encadrant les paiements électroniques. Cette réforme vise à intégrer de nouveaux acteurs tels que les prestataires de services de paiement (PSP) et à reconnaître juridiquement les banques numériques. Il s’agit également d’accompagner l’introduction de technologies innovantes, tout en renforçant la sécurité juridique des transactions électroniques. Deuxième pilier du programme : l’amélioration de l’architecture technique des paiements en Algérie. Le ministère juge cette étape « essentielle » pour sécuriser les flux monétaires et encourager leur adoption à grande échelle. Cela passe par l’extension du réseau de terminaux de paiement électronique (TPE), le renforcement des plateformes interbancaires, et la fiabilisation des systèmes informatiques bancaires. Le gouvernement veut ainsi généraliser les paiements électroniques, notamment dans les relations entre l’administration publique, les entreprises et les citoyens. Des incitations fiscales ou logistiques sont envisagées pour inciter les commerçants, professions libérales et prestataires de services à abandonner le cash au profit du digital. Le succès de cette transition repose aussi sur l’adhésion du grand public. Des campagnes de sensibilisation seront menées à destination des consommateurs comme des commerçants, pour souligner les avantages économiques, la traçabilité et la sécurité des paiements numériques. Une attention particulière sera portée aux zones rurales et aux populations non bancarisées. Le gouvernement a établi un programme détaillé comportant 49 mesures concrètes, dont 21 sont déjà en cours de réalisation. Parmi elles : la généralisation des TPE dans les grandes surfaces, l’obligation pour certaines administrations de proposer le paiement en ligne, ou encore le développement de solutions mobiles. Une nouvelle feuille de route est actuellement en préparation pour finaliser les actions en cours et intégrer des priorités émergentes. Cette transition vers les paiements électroniques ne se limite pas à une réforme technologique. Elle s’inscrit dans une démarche de transformation structurelle de l’économie nationale, destinée à lutter contre le secteur informel, à améliorer la traçabilité des transactions, et à renforcer la transparence fiscale. L’Algérie, où plus de 70 % des transactions commerciales se font encore en espèces selon certaines estimations, entend ainsi réduire les coûts liés à la manipulation du cash, tout en ouvrant la voie à une économie plus moderne, connectée et inclusive. Alors que de nombreux pays africains adoptent déjà des solutions de paiement mobile avec succès, l’Algérie semble désormais résolue à rattraper son retard. Reste à voir si les réformes annoncées sauront convaincre les citoyens, les commerçants et les institutions à franchir le cap du tout-numérique.