Wassila. B 

 

Le Centre de recherche en anthropologie sociale et culturelle (CRASC) d’Oran a abrité, dimanche dernier, une conférence intitulée : « Le rôle des journalistes formés en Tunisie dans la propagation de la conscience en Algérie durant la période (1945-1954) ». 

 

Animée par Nadjat Lahdiri, docteure en sciences de l’information et de la communication et chercheure permanente au CRASC, cette rencontre s’inscrit dans le cadre d’un projet d’établissement qu’elle dirige, consacré à la réalisation d’un « Dictionnaire des personnalités et des événements en Algérie (1945-1954) : presse, santé, éducation », actuellement en cours d’élaboration. 

Au fil de son exposé, la conférencière a retracé les parcours de plusieurs journalistes algériens dont le passage par la presse tunisienne a marqué l’histoire du journalisme national. Ces hommes de plume, rédacteurs ou fondateurs de journaux, ont transposé en Algérie l’expérience acquise à Tunis, insufflant un nouvel élan à une presse engagée dans la lutte pour la liberté, la dignité et la reconnaissance identitaire. 

La conférencière a rappelé qu’en période coloniale, la presse algérienne fut un pilier de la prise de conscience nationale. Véritable espace de résistance, elle dénonçait les injustices du système colonial, la privation des droits politiques, la négation de la langue et de la culture algériennes, ainsi que la spoliation matérielle et morale du peuple.

La conférencière a souligné la nature réciproque des échanges journalistiques entre la Tunisie et l’Algérie. Cette circulation d’idées et de plumes s’est nourrie des migrations successives d’Algériens vers la Tunisie, venus s’y établir, y étudier ou y collaborer avec des journaux arabophones et francophones. Certains, tels qu’Ahmed Tawfiq al-Madani, Mohamed al-Saeed al-Zahri, Ibn Badis, Hamza Boukoucha ou Mohamed Saleh al-Jabri, ont ensuite contribué à éveiller l’opinion publique en Algérie. 

L’étude de la presse tunisienne révèle une diversité remarquable. Dès 1883, le pays voit paraître ses premiers titres, et en 1890, Eraid Ettounousi, premier hebdomadaire arabophone, marque une étape décisive sous le règne de Sdeq Bacha Bey. Au fil des décennies, la Tunisie se dote d’une presse partisane, réformatrice, constitutionnelle, communiste et satirique. Entre 1903 et 1912, on compte 54 journaux, puis une vingtaine entre 1920 et 1943. L’après-guerre voit éclore des publications telles que Al-Thuraya, Al-Usbu’, Al-Mabath, Al-Hurriya, Lisan Al-Arab, Al-Zaytouna, Al-Sabah, Al-Nadwa et Al-Fikr.

 

Nombre de ces journaux furent créés ou animés par des Algériens exilés en Tunisie. Leur objectif dépassait la simple pratique journalistique : il s’agissait de bâtir un outil de combat intellectuel et politique. La Tunisie offrait alors un espace plus libre pour l’expression des idées, à la différence de l’Algérie coloniale, soumise à la censure et à la répression. Cette effervescence éditoriale a permis l’émergence d’une élite journalistique maghrébine consciente des enjeux de la libération nationale. 

Entre Tunis et Alger, un dialogue fécond s’est tissé à travers la presse, où les causes tunisiennes et algériennes se répondaient mutuellement. Une solidarité des mots et des idées, annonciatrice des combats pour l’indépendance à venir.