Wassila. B
La scène a tout d’un symbole fort : la jeune reine des barres asymétriques, Kaylia Nemour, reçue au palais présidentiel par Abdelmadjid Tebboune, entourée de ses parents, de son entraîneuse Nadia Massi, et des plus hautes autorités du pays. Une image d’unité, d’émotion et de reconnaissance nationale pour une championne dont la trajectoire est un concentré de courage, de talent et de résilience. Car derrière le sourire éclatant de Kaylia Nemour se cache une histoire de lutte et de renaissance. En 2021, deux opérations aux genoux auraient pu mettre fin à sa carrière avant même qu’elle ne décolle. À peine rétablie, la gymnaste voulait retrouver les agrès, mais la Fédération française de gymnastique lui en refusa le droit de concourir. Une injustice vécue comme une trahison par une adolescente passionnée, qui dut alors faire un choix : abandonner ou se réinventer. Ce choix, elle l’a fait avec la détermination des grandes. En 2022, elle endosse le justaucorps vert de l’Algérie, le pays de son père, et entame une ascension fulgurante. À chaque compétition, elle repousse les limites, perfectionne sa technique, impressionne par sa grâce et sa puissance. Puis vient l’apothéose : l’or olympique aux Jeux de Paris 2024, devant un public partagé entre surprise et admiration, suivi du titre mondial à Jakarta sur son agrès de prédilection, les barres asymétriques, où elle survole littéralement la concurrence.
Ces triomphes ne sont pas seulement ceux d’une athlète exceptionnelle. Ils incarnent aussi la réussite d’un parcours transfrontalier, d’une identité assumée entre deux cultures. Kaylia Nemour, née d’une mère française et d’un père algérien, incarne cette jeunesse binationale qui refuse les frontières mentales, cette génération capable d’apporter son talent et son énergie à la terre de ses racines. En elle, beaucoup d’Algériens voient un modèle : celui de la méritocratie, du dépassement et de la reconnaissance mutuelle. En la recevant au palais d’El Mouradia, le président Tebboune a voulu saluer plus qu’une championne. Il a honoré une histoire nationale en train de s’écrire, celle d’un pays qui sait valoriser ses enfants, qu’ils viennent d’ici ou d’ailleurs. En présence du ministre des Sports Walid Sadi, du chef de cabinet Boualem Boualem et du conseiller Kamel Sidi Saïd, cette réception a pris une dimension politique : celle d’un signal d’ouverture, d’un appel à la diaspora à contribuer, par le sport comme par la science ou la culture, au rayonnement de l’Algérie. À seulement dix-huit ans, Kaylia Nemour porte déjà sur ses épaules les espoirs d’un peuple. Son regard est tourné vers l’avenir, vers Los Angeles 2028, où elle rêve d’écrire une nouvelle page dorée de sa légende. Mais quoi qu’il advienne, son nom restera déjà gravé dans l’histoire. Celui d’une jeune fille qui a su transformer l’épreuve en force, et faire de son double héritage non pas un dilemme, mais une richesse. L’Algérie, en la célébrant, se découvre un visage moderne, confiant et fier. Et dans le sillage de Kaylia Nemour, c’est toute une génération de binationaux qui comprend qu’elle peut, elle aussi, briller pour le pays de ses origines. Une victoire sportive, certes, mais surtout une victoire du cœur et de l’unité.




















