Entretien réalisé par H. Nassira
L’universitaire et chercheur en entrepreneuriat, le professeur Mohamed Yazid Benadjmia, estime que l’entrepreneuriat en Algérie est passé « du stade des intentions à celui de la concrétisation ». Selon lui, les résultats enregistrés ces dernières années en sont la preuve : 2 300 projets à l’échelle nationale ont obtenu le label officiel délivré par le ministère de l’Économie de la connaissance, tandis que 1,3 million de très petites entreprises sont actuellement en activité, générant plus de cinq millions d’emplois. Des indicateurs qui témoignent, dit-il, d’une véritable évolution dans l’écosystème entrepreneurial national.
Invité de la web-TV Cap Dz, M. Benadjmia a également salué l’engouement marqué des jeunes, et notamment des étudiants, pour le monde de l’entrepreneuriat. Il qualifie cette dynamique de stratégie nationale réussie, ayant contribué à sortir l’étudiant de son isolement en renforçant sa formation et ses compétences, jusqu’à lui offrir la possibilité d’obtenir un diplôme de création d’entreprise et d’accéder à la production de richesse.
Cap Dz : Le récent Semaine mondiale de l’entrepreneuriat a suscité beaucoup d’intérêt. Quelles nouveautés avez-vous observées ?
Mohamed Benadjmia: La Semaine mondiale de l’entrepreneuriat, qui s’est déroulée du 19 au 23 novembre, a été marquée par une forte mobilisation, notamment des étudiants. L’objectif était de stimuler l’innovation et d’encourager les jeunes à transformer leurs idées en projets concrets menant à la création d’entreprises. J’ai personnellement animé une conférence de clôture à l’Université Ahmed Ben Bella d’Oran.
Il faut rappeler qu’à l’échelle internationale, l’entrepreneuriat représente près de 60 % des emplois, selon la Banque mondiale (ou les institutions financières internationales), et continue de connaître une croissance constante dans l’attraction de nouveaux talents.
Cap Dz : Qu’en est-il du développement des mécanismes d’encouragement à l’entrepreneuriat, notamment au sein des universités ?
- Benadjmia: L’État algérien a renforcé l’incitation à l’investissement des jeunes à travers la mise en place de véritables écosystèmes d’innovation : maisons de l’entrepreneuriat, incubateurs universitaires, accélérateurs de projets et centres de développement entrepreneurial. Ces structures favorisent notamment l’obtention du label “Start-up” pour les porteurs de projets.
À cela s’ajoutent les dispositifs juridiques, comme la loi 12-75, ainsi que le rôle croissant des start-up, qui se sont révélées être un véritable soutien à l’économie nationale, en particulier durant la période de la pandémie de Covid-19.
Cap Dz : Comment les étudiants peuvent-ils bénéficier concrètement de cet accompagnement ?
- Benadjmia: L’Algérie a instauré des mécanismes d’accompagnement adaptés aux besoins des jeunes entrepreneurs. Une fois le label obtenu, le porteur de projet peut accéder à plusieurs sources de financement :
- CNASDA, avec un soutien pouvant aller jusqu’à 10 millions de dinars ;
- ANGEM (Agence nationale de microcrédit), pour des financements d’environ 1 million de dinars ;
- Banque « IASF », qui peut octroyer des crédits allant de 5 millions à 150 millions de dinars pour les projets les plus structurés.
Ces dispositifs ciblent prioritairement les projets prometteurs et les initiatives viables. Il faut aussi souligner les avancées liées au statut de l’auto-entrepreneur et le rôle déterminant des établissements universitaires sous la tutelle du ministère de l’Enseignement supérieur.
Cap Dz : En termes de chiffres, quels sont les résultats obtenus ?
- Benadjmia: Les résultats sur le terrain sont très parlants : 2 300 projets ont décroché le label cette année sur un total de 5 000 projets déposés. Les autorités visent désormais un objectif de 10 000 activités entrepreneuriales à court terme.
Depuis le 19 novembre, l’Algérie a enregistré 1 570 activités liées à l’entrepreneuriat, se classant troisième au niveau mondial, derrière l’Éthiopie et le Brésil.
À cela s’ajoutent les 1,3 million de très petites entreprises actives, génératrices de plus de cinq millions d’emplois à travers le pays.
Cap Dz : A-t-on déjà formé de véritables entrepreneurs ? Pouvez-vous citer des exemples de réussite ?
- Benadjmia: Oui, et parmi les exemples emblématiques figure la plateforme « Namltek », fondée par un jeune entrepreneur en partenariat avec un investisseur. Cette start-up développe des services liés à la promotion du tourisme algérien : vente de billets d’avion, réservation d’hôtels, et bientôt solutions de paiement électronique, à travers la création d’une carte similaire à la carte « Edahabia ».
Ce projet a bénéficié d’un accompagnement complet et d’un soutien institutionnel qui lui ont permis de se développer avec succès depuis son lancement l’an dernier.
Cap Dz : Comment évaluez-vous Oran en tant que pôle entrepreneurial ?
- Benadjmia: Oran représente un véritable modèle de dynamisme entrepreneurial. La décision d’aménager trois zones d’activités dans la zone industrielle de Tafraoui, destinées aux jeunes porteurs de projets, en est la preuve. L’ancien wali Saïd Sayoud avait alors annoncé l’octroi de lots de terrain de 500 à 800 m² chacun.
Cette initiative démontre clairement la volonté des autorités locales d’encourager l’investissement et la création de start-up, en mobilisant des conditions matérielles favorables.
Cap Dz : Pour conclure, que pensez-vous de la création du Fonds africain de soutien à la jeunesse et quels conseils adressez-vous aux jeunes ?
- Benadjmia: Nous sommes très optimistes quant à l’annonce du président de la République, Abdelmadjid Tebboune, relative à la création du Fonds africain de soutien à la jeunesse, doté d’une enveloppe de 1 milliard de dollars lors de la Foire du commerce intra-africain. Dès son lancement, 30 start-up ont déjà bénéficié de son appui, et les premiers résultats sont visibles.
Mon message aux jeunes est clair : saisir pleinement ces facilités, s’engager dans le développement de l’économie nationale, renforcer leurs compétences linguistiques — notamment en anglais —, suivre de près le virage numérique et tirer profit des programmes dédiés à la création de contenu lancés par le ministère de la Jeunesse. Il est également essentiel de maîtriser les outils d’intelligence artificielle de manière responsable et positive, afin de rester compétitifs dans un monde en pleine mutation.



















