Wassila. B
Il est des décisions budgétaires qui dépassent les chiffres. Celle qu’a prise l’Algérie en consacrant 764,2 milliards de dinars (soit près de 5,84 milliards de dollars) à son agriculture dans le cadre du projet de Loi de finances 2026 appartient à cette catégorie. Plus qu’une allocation de moyens, c’est une affirmation stratégique : celle d’un pays qui choisit de parier sur sa terre, son climat et ses producteurs pour renforcer sa souveraineté alimentaire. Longtemps perçue comme un secteur traditionnel, l’agriculture algérienne s’apprête à entrer dans une nouvelle ère. Avec une contribution de 13 % au PIB et 9 % de la population active mobilisée, elle est déjà un pilier de l’économie nationale. Mais elle doit désormais devenir un moteur de modernisation, d’innovation et d’indépendance économique. En augmentant de 4 % les crédits dédiés au secteur par rapport à 2025, le gouvernement affiche clairement son ambition : produire plus, mieux et durablement. Cette hausse intervient dans le sillage de la Conférence nationale sur la modernisation de l’agriculture tenue les 27 et 28 octobre 2025. Deux jours d’échanges intenses qui ont mis en lumière l’urgence de transformer en profondeur les pratiques agricoles, en intégrant la technologie, la formation et la valorisation des filières locales. Le constat est connu : des rendements céréaliers trop faibles (1,8 tonne par hectare contre 3,9 tonnes dans le monde), des pertes post-récolte pouvant atteindre 30 %, et une irrigation moderne limitée à 15 % des superficies. Mais pour la première fois, l’État met des moyens à la hauteur du diagnostic. L’enveloppe annoncée sera consacrée à 90 % aux programmes agricoles et ruraux, avec une attention particulière à la mécanisation, à la numérisation et à la gestion rationnelle de l’eau. Les programmes forestiers (6 % du budget) et de pêche (1 %) compléteront cette approche intégrée du développement durable. C’est une vision globale qui s’esquisse, celle d’un territoire vivant, productif et respectueux de ses ressources. Car au-delà des champs, il s’agit d’une bataille économique et sociale. En 2024, la facture des importations alimentaires a frôlé les 11 milliards de dollars, plaçant l’Algérie au deuxième rang africain après l’Égypte. Blé, viande, légumes secs : autant de produits que le pays peut et doit produire localement. Réduire cette dépendance, c’est alléger la pression sur la balance commerciale, mais aussi redonner confiance aux agriculteurs, ces acteurs qui aspirent à prendre le train rapide de la modernité nationale. Ce budget record traduit donc une volonté politique forte : faire de l’agriculture un levier de souveraineté et de croissance. À l’heure où le changement climatique impose une réinvention des modèles de production, l’Algérie envoie un signal clair. Moderniser, c’est protéger ; investir dans la terre, c’est investir dans la stabilité. Et si la richesse de demain ne venait pas seulement du sous-sol, mais du sol lui-même ?





















