Wassila. B
La rue marocaine se révolte à nouveau. Une quinte de rage étouffée par les sirènes des fourgons de police. Dimanche, pour le deuxième jour consécutif, les forces de répression marocaines ont déployé leur arsenal répressif habituel à Rabat, Casablanca, Marrakech et ailleurs, arrêtant des centaines de jeunes. Leur crime ? Avoir répondu à l’appel du collectif « GenZ 212 » pour réclamer, simplement, un avenir.
Cet avenir, ils le voient se dérober chaque jour un peu plus. Ils le voient dans la déliquescence d’un système de santé publique où, tragédie insoutenable, huit femmes enceintes ont récemment perdu la vie dans un hôpital d’Agadir, victimes d’un manque criant de moyens. Ils le voient dans les salles de classe surchargées et un système éducatif qui ne leur promet plus l’ascenseur social, mais la précarité. Ils le voient dans l’opacité d’une gouvernance rongée par la corruption, où les privilèges d’une minorité contrastent avec les difficultés du plus grand nombre.
Face à ces revendications légitimes, quelle est la réponse du régime ? La matraque, l’interpellation arbitraire et la censure. Au lieu d’un dialogue, on offre des cellules de garde à vue. Au lieu d’engager des réformes urgentes, on musèle une génération entière qui ose utiliser les outils de son temps – comme la plateforme Discord – pour s’organiser et s’exprimer.
Cette répression systématique, condamnée par l’Association Marocaine des Droits Humains (AMDH) et des partis d’opposition, est le symptôme d’une peur panique. La peur d’un pouvoir sclérosé, le Makhzen, face à une jeunesse connectée, lucide et déterminée. Une jeunesse qui ne se reconnaît plus dans les vieux schémas et qui refuse de se taire. En interdisant des sit-in pacifiques, comme récemment à Tiznit et Essaouira, et en arrêtant jusqu’aux défenseurs des droits humains, le régime montre son vrai visage : celui d’une autorité qui n’a pour seule réponse au mécontentement populaire que la coercition.
Le message est clair : il n’y a pas de place pour la contestation dans l’« exception marocaine » soigneusement mise en scène. Pendant que le pays est vendu à l’étranger comme un havre de stabilité et de modernité, sur son sol, l’espace démocratique se rétrécit comme peau de chagrin. Les arrestations de masse de ces derniers jours ne sont pas une anomalie, mais la continuation d’une politique délibérée visant à étouffer dans l’œuf toute velléité de mobilisation.
En agissant ainsi, le pouvoir marocain commet une double erreur. Il sous-estime la profondeur de la colère née de l’injustice sociale et de la corruption, et il surestime la capacité de la force brute à résoudre des problèmes structurels. La jeunesse marocaine n’est pas l’ennemi ; elle est la ressource la plus précieuse du pays. En la traitant en adversaire, le régime sape les fondements mêmes de l’avenir qu’il prétend construire. La tragédie d’Agadir et les manifestations qui suivent sont un signal d’alarme qui ne peut plus être ignoré. Le vrai danger pour la stabilité du Maroc n’est pas dans la rue, mais dans l’incapacité de ses dirigeants à entendre le cri du peuple marocain qui souffre.




















