Wassila. B

Bruno Retailleau symbolise aujourd’hui la confusion et la déstabilisation. En quelques heures, le président des Républicains a réussi à précipiter la France dans une impasse politique dont il pourrait sortir durablement affaibli. Dimanche 5 octobre, alors que le nouveau gouvernement de Sébastien Lecornu n’avait pas encore trouvé son rythme, un simple tweet de Retailleau a suffi à faire vaciller l’édifice. Deux phrases sèches, rédigées sur le ton du désaveu : « La composition du gouvernement ne reflète pas la rupture promise. […] Je convoque demain matin le comité stratégique des Républicains. » Le message, lâché en pleine soirée politique, a eu l’effet d’une bombe. Le lendemain, Lecornu rendait sa démission. Rarement la classe politique n’avait été aussi unanime : Bruno Retailleau a semé la pagaille. En cherchant à réaffirmer son autorité, il a surtout révélé son incapacité à maîtriser le jeu qu’il avait lui-même déclenché. Derrière son indignation officielle face à la nomination de Bruno Le Maire aux Armées, les analystes voient une manœuvre bien plus personnelle : la volonté d’imposer ses proches, de verrouiller le parti et de consolider sa position dans la perspective de la présidentielle de 2027. Mais cette fois, le calcul semble s’être retourné contre lui. Depuis son entrée au ministère de l’Intérieur, Retailleau a construit sa stature sur la confrontation permanente, avec ses rivaux, ses alliés et même avec l’étranger. En mai dernier, il a conquis la présidence des Républicains en surfant sur les attaques honteuses contre l’Algérie, attisée par une succession d’incidents diplomatiques dont il porte une large responsabilité. L’épisode de l’honteuse arrestation d’un agent consulaire algérien, en avril, avait déjà mis à nu sa stratégie : s’imposer comme le porte-voix d’une droite dure, quitte à torpiller les efforts de rapprochement. Cette politique du coup d’éclat atteint aujourd’hui ses limites. En s’érigeant en contre-pouvoir à l’intérieur même du gouvernement, Retailleau a fini par fragiliser tout l’exécutif. Le président Macron, déjà affaibli par une majorité relative, se retrouve sans Premier ministre et sans coalition stable. Deux issues se dessinent désormais : la dissolution de l’Assemblée nationale, ou la nomination d’un chef de gouvernement venu de la gauche. Dans les deux cas, Retailleau perd. L’homme qui se voulait stratège apparaît désormais comme l’artisan d’un chaos politique et diplomatique. À vouloir trop jouer la rupture, il a rompu les équilibres. À trop miser sur la surenchère, il a perdu la main. Même dans son propre camp, les critiques pleuvent. Laurent Wauquiez et plusieurs élus LR lui reprochent d’avoir « détruit un accord en une nuit » et d’avoir abîmé l’image du parti. En Algérie, le président Tebboune avait prévenu dès février : « Tout ce qui est Retailleau est douteux. » Ce doute s’installe aujourd’hui au cœur de la droite française. L’homme est devenu le symbole d’une dérive personnelle et d’une ambition sans boussole. Retailleau voulait se poser en recours pour 2027. Il risque de n’être, au mieux, qu’un épisode de plus dans la longue série des crises qu’il a lui-même provoquées.