La contestation pacifique de la jeunesse marocaine s’est poursuivie, jeudi, marquée par un refus catégorique des promesses du Makhzen et des tentatives de la convaincre par des solutions de façade, tout en réclamant des réformes structurelles dans les secteurs de la santé et de l’éducation, ainsi qu’une reddition de comptes pour les responsables politiques et administratifs accusés de mauvaise gouvernance et de corruption.

                Le collectif “Jeunes du Maroc – Génération de la conscience et de la reddition des comptes” a insisté sur la nécessité d’empêcher la dissimulation des faits concernant la mort de trois jeunes à Iqliaa, après avoir été écrasés par un véhicule de la Gendarmerie.

                Pour ce mouvement, ces événements révèlent l’ampleur de la corruption systémique qui gangrène les institutions du pays. Il impute à la classe politique et au gouvernement du Makhzen la responsabilité directe de la crise actuelle, due à leurs échecs répétés et à la dilapidation des richesses nationales, a-t-il estimé.

                Le secteur de la santé est au coeur de la contestation populaire. Les protestations ont pris naissance à l’hôpital régional d’Agadir, après le décès d’une femme en couches, s’ajoutant à huit autres cas similaires. Plutôt que d’engager des réformes profondes, le ministre de la Santé, Amine Tahraoui, a choisi des mesures palliatives: suspension préventive de plusieurs professionnels et poursuites judiciaires à leur encontre.

                Ces décisions ont provoqué la colère de la Coordination syndicale nationale du secteur de la santé, qui y voit une tentative de désigner des boucs émissaires pour masquer l’échec gouvernemental.

                Dans un communiqué au ton ferme, la coordination a averti que faire porter la responsabilité des défaillances du système sanitaire à la main-d’oeuvre médicale est une manoeuvre dangereuse, soulignant que le système souffrait d’un manque chronique de personnel, d’un budget insuffisant, d’infrastructures délabrées et d’une gouvernance défaillante.

                Le syndicat a également dénoncé une volonté de manipuler l’opinion publique, estimant que “la poursuite des décès dans le même hôpital d’Agadir, malgré les suspensions, prouve l’échec des politiques en place”. Il appelle à lier la responsabilité à la reddition des comptes et à mettre fin à l’instrumentalisation politique de la justice contre les travailleurs du secteur.

                De son côté, le bureau local du Syndicat national de l’enseignement supérieur à la Faculté de médecine et de pharmacie d’Agadir et les enseignants du Centre hospitalo-universitaire Souss-Massa ont exprimé leur solidarité avec les professionnels suspendus, rappelant qu’ils dénoncent depuis longtemps les conditions de travail déplorables et le manque criant d’équipements médicaux.

                Ils accusent le ministre Tahraoui d’avoir plongé le secteur dans le chaos par ses décisions arbitraires et ses propos provocateurs et l’appellent à vérifier les faits avant de blâmer injustement le personnel médical et paramédical.

                Sur le plan politique, le Réseau marocain de l’Alliance civile pour la jeunesse a condamné les déclarations jugées hautaines et provocatrices de certains ministres, qu’il accuse de détourner la vérité et d’attiser la tension au sein de la jeunesse et de l’opinion publique.

                Le réseau a également dénoncé la répression policière violente observée au début des manifestations, la jugeant injustifiée au regard du caractère pacifique des rassemblements garantis par la Constitution.

                Le Parti du progrès et du socialisme a tenu, lui aussi, le gouvernement du Makhzen pour responsable de “l’aggravation du climat social, dénonçant son arrogance, son discours provocateur et ses prétentions à des réalisations extraordinaires, en total décalage avec les difficultés vécues par les Marocains et niées depuis quatre ans”.

                La Confédération démocratique du travail a souligné que les problèmes sociaux du Maroc ne peuvent être réglés par des mesures techniques ou temporaires, accusant le gouvernement du Makhzen de “bloquer le dialogue social et de se désengager de ses responsabilités”, tout en dénonçant “la concentration des richesses entre les mains d’une minorité aisée”.

                De son côté, la journaliste marocaine Riham Azdoudh, diplômée de l’Université d’Uskudar (Turquie), a estimé dans un article intitulé “Pourquoi la démission d’un ministre ne suffit pas à réformer l’éducation au Maroc ?”, que “la jeunesse contestataire ne peut réduire ses ambitions à un simple changement de personne ou de poste”. Selon elle, l’éducation est un système complexe fondé sur une culture enracinée, et “le plus grand leurre est de croire qu’une démission ministérielle puisse produire des miracles”.

                Pour sa part, l’écrivain marocain Ali Essidqi a dénoncé, dans un texte intitulé “La supercherie politique et les protestations de la jeunesse”, la corruption systémique et la politique du déni et des calmants adoptée par le Makhzen, appelant à extirper le mal profond qui gangrène l’administration marocaine et à engager de véritables réformes structurelles dans la santé et l’éducation.