Une vision énergétique éclairée

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Wassila. B

Dans un contexte mondial en mutation rapide, marqué par la recomposition des routes de l’énergie et la transition vers un mix plus diversifié, l’Algérie fait le choix d’une stratégie audacieuse et lucide : celle du gaz de schiste. Ce pari, longtemps différé, s’affirme désormais comme un levier central de souveraineté et de durabilité énergétique. L’annonce, la semaine dernière à l’African Energy Week, par le président de l’Agence nationale des hydrocarbures (ALNAFT), Samir Bekhti, d’un recentrage stratégique sur les ressources non conventionnelles, marque un tournant historique. Ce choix témoigne d’une volonté de valoriser pleinement le potentiel du sous-sol national tout en préparant l’avenir industriel du pays. L’Algérie ne part pas de rien. Son expérience, sa maîtrise technique et son infrastructure gazière éprouvée en font un acteur majeur sur la scène énergétique internationale. Mais les gisements conventionnels, tels que Hassi R’mel ou In Salah, montrent les signes naturels de leur maturité. Pour maintenir sa position de fournisseur stable et fiable, notamment vis-à-vis de l’Europe, qui redéfinit ses sources d’approvisionnement depuis la guerre en Ukraine, le pays se devait de tracer une nouvelle voie. Le gaz de schiste représente cette voie d’avenir, alliant continuité, innovation et ambition. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : avec plus de 700 000 milliards de pieds cubes de réserves techniquement exploitables, l’Algérie détient l’un des plus vastes potentiels mondiaux. Ce gisement dormait sous ses pieds depuis des décennies, attendant le moment politique et technologique propice pour être réveillé. Ce moment semble venu. Les progrès réalisés dans les techniques de fracturation, la meilleure connaissance des nappes profondes et l’attention accrue portée aux normes environnementales offrent aujourd’hui les conditions d’une exploitation maîtrisée et responsable.

En 2014, un plan ambitieux prévoyait 70 milliards de dollars d’investissements sur vingt ans, mais la conjoncture marquée par la baisse des cours du brut avait ralenti l’élan. Dix ans plus tard, le contexte est radicalement différent : la sécurité énergétique mondiale est redevenue une priorité, et l’Algérie entend y prendre toute sa place. La nouvelle campagne d’adjudication de périmètres d’exploration, prévue dès le premier semestre 2026, devrait confirmer cette dynamique. Même si l’octroi de licences de schiste reste à préciser, le signal envoyé est clair : l’ère du non-conventionnel s’ouvre. Pour Sonatrach, l’exploitation du schiste n’est pas une simple diversification ; c’est une transition stratégique. Elle permettra de prolonger le cycle de vie du secteur gazier, d’assurer la pérennité des exportations et de consolider les recettes d’un État qui réinvestit massivement dans la transformation locale, la pétrochimie et les énergies renouvelables. En s’engageant sur cette voie, l’Algérie ne se contente pas d’assurer son avenir énergétique, elle trace, pour tout le continent africain, le sillage d’une indépendance énergétique assumée et éclairée.