W.B  

Emmanuel Macron a franchi un pas hideux dans la dégradation des relations franco-algériennes. En annonçant la suspension unilatérale de l’accord de 2013 exemptant les détenteurs de passeports diplomatiques algériens de visa, le président français n’a pas seulement pris une mesure administrative : il a scellé, au grand jour, une rupture longtemps préparée. L’acte, présenté comme une réponse à « l’inflexibilité » d’Alger sur la question migratoire et à la « non-coopération » de ses consulats en France, s’inscrit dans une stratégie d’escalade mûrement réfléchie. La lettre envoyée par Macron à son Premier ministre François Bayrou, réclamant « plus de fermeté et de détermination » envers l’Algérie, ne laisse aucun doute : il s’agit d’un calcul politique, drapé dans une rhétorique moralisatrice qui inverse les responsabilités. Le comble c’est que Macron demande à son xénophobe ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau d’appliquer la loi immigration de 2024 pour refuser tout visa aux diplomates et même aux demandeurs ordinaires algériens qui sont désormais interdits de visas long séjour. Une pénalisation collective qui confine à la discrimination politique. La riposte algérienne est immédiate. À Alger, la réaction ne s’est pas fait attendre. Le Chargé d’Affaires de l’ambassade de France a été convoqué par le ministère algérien des Affaires étrangères. Dans un communiqué sans ambiguïté, ce dernier dénonce une France qui « s’exonère de ses responsabilités » en imputant tous les torts à l’Algérie, affirmant que « rien n’est plus loin de la vérité ». En guise de contre-mesure, Alger a annoncé la dénonciation définitive de l’accord de 2013 et la fin de la gratuité dont bénéficiait la France pour 61 propriétés étatiques sur le sol algérien. Ce geste marque une réponse ferme, et surtout, la volonté de rééquilibrer une relation perçue comme unilatéralement dictée depuis Paris. Ce dernier épisode n’est pas isolé. Il s’inscrit dans une série de décisions françaises qui, depuis plusieurs années, vident de leur substance les textes fondateurs de la coopération bilatérale. L’accord de 1968 sur la circulation des personnes a été progressivement érodé par des restrictions administratives, instaurant une précarité organisée pour les Algériens vivant en France. La convention consulaire de 1974 est devenue inopérante, les consulats algériens étant entravés dans leur mission de protection légale, notamment face aux expulsions arbitraires. L’accord de 2013 sur les visas diplomatiques est aujourd’hui suspendu unilatéralement, en violation de la pratique diplomatique qui impose consultation et réciprocité. À Paris, le discours officiel se veut celui du respect des accords et du droit international, présentant la France comme un partenaire exemplaire face à un État algérien supposément « défaillant ». Pourtant, les faits montrent une dynamique inverse : c’est l’Élysée qui a méthodiquement affaibli les instruments juridiques encadrant la relation, avant de s’ériger en gardien des règles qu’il a lui-même vidées de leur sens. La suspension de l’accord de 2013 n’est pas un simple épisode de tension diplomatique. Elle symbolise la fin d’un cycle où, malgré les contentieux, un minimum de cadre juridique garantissait la continuité des échanges.

La xénophobie comme fond de commerce

Avec cette décision, Emmanuel Macron choisit l’épreuve de force, quitte à déstabiliser durablement une relation déjà fragilisée par l’histoire, les mémoires et des divergences profondes sur la souveraineté. L’Accord de 1994 sur la réadmission est instrumentalisé bien au-delà de son objet initial, servant à justifier des expulsions massives tout en ignorant que la Convention européenne des droits de l’homme protège les migrants contre les renvois abusifs. La véritable stratégie est une escalade pour masquer les défaillances françaises. Pourquoi cette hypocrisie ? Les motifs avancés par l’Élysée ne résistent pas à l’évidence : l’affaire Sansal  sert de prétexte et d’instrumentalisation pour consacrer la rupture longtemps réclamée par l’extrême droite xénophobe. Sur la question migratoire, la France oublie qu’elle viole systématiquement ses propres obligations. Des milliers d’Algériens sont expulsés sans recours effectif, tandis que Paris entrave délibérément l’action consulaire protectrice d’Alger. La vérité est plus crue : un pouvoir français affaibli sur le plan intérieur cherche à instrumentaliser le fonds de commerce anti-algérien, une posture de fermeté facile et non moins hypocrite. Le piètre ministre Retailleau, ouvertement candidat à la présidentielle, incarne cette ligne xénophobe. Le récit du « partenaire irresponsable » permet à Paris de masquer ses propres manquements et son mépris organisé du droit international. Les retombées sont déjà lourdes : Alger applique la réciprocité immédiate sur les visas pour les diplomates français et réévalue les tarifs des biens étatiques utilisés par la France. Les autorités algériennes mettent leur mise en garde déjà exprimée, il y a quelques mois, à l’application en mettant fin à la mise à disposition, à titre gracieux, de biens immobiliers appartenant à l’Etat algérien au profit de l’ambassade de France en Algérie. Alger annonce « le réexamen des baux, considérablement avantageux, contractés par l’ambassade avec les OPGI d’Algérie et invite la partie française à dépêcher une délégation à Alger pour entamer les discussions à ce sujet », souligne le communiqué du MAE. « Il y a lieu de rappeler que la représentation diplomatique algérienne en France ne bénéficie d’aucun avantage de cette même nature.  En conséquence, l’action algérienne ainsi décidée vise là également à introduire l’équilibre et la réciprocité dans la relation algéro-française globale », indique le MAE.

La rupture consommée

La partie algérienne dénonce aussi l’Accord algéro-français de 2013 relatif à l’exemption réciproque des visas pour les titulaires de passeports diplomatiques et de service. Cette dénonciation va plus loin que la simple suspension notifiée par la partie française et met définitivement un terme à l’existence même de cet accord », ajoute le communiqué du département de Attaf. « En conséquence, et sans préjudice des délais prévus dans l’accord, le Gouvernement algérien a décidé de soumettre, avec effet immédiat, les titulaires de passeports diplomatiques et de service français à l’obligation de visas. Il se réserve, par ailleurs, le droit de soumettre l’octroi de ces visas aux mêmes conditions que celles que le Gouvernement français arrêtera pour les ressortissants algériens. Il s’agit là d’une stricte application du principe de réciprocité qui exprime, avant tout, le rejet par l’Algérie des velléités françaises de provocation, d’intimidation et de marchandage », précise le MAE. Des milliers d’étudiants, travailleurs et familles binationales sont pris en otage par le pouvoir irresponsable français qui a décidé des restrictions de visas. Les coopérations sont suspendues, les ambassadeurs rappelés, et plus aucun dialogue politique fonctionnel. On n’est pas loin de la rupture des relations diplomatiques. Wassila. B

Le MOUDAF dénonce la lettre du Président français

Le Mouvement dynamique de la communauté algérienne établie en France (MOUDAF) a fermement réagi, jeudi, à la lettre adressée par le Président français à son Premier ministre au sujet de l’Algérie, dénonçant une « dérive stigmatisante et unilatérale ». Selon un communiqué, le mouvement accuse le chef de l’État français d’avoir « alimenté dangereusement les amalgames » en ciblant directement l’Algérie sur les questions migratoires et sécuritaires, tout en rendant ce courrier public. « Ce geste légitime les discours stigmatisants à l’encontre de millions de Franco-Algériens », déplore le MOUDAF. Cette organisation dénonce aussi « une approche punitive » reposant sur la suspension d’accords bilatéraux, la mise en cause des consulats et « l’instrumentalisation du dossier migratoire à des fins de pression politique ». Selon elle, cette stratégie de tension « nuit à l’intérêt même des deux peuples ». Le mouvement rappelle que « depuis plusieurs mois, les sorties répétées du ministre de l’Intérieur contre l’Algérie ont préparé le terrain à cette radicalisation ». La lettre présidentielle, estime-t-il, montre qu’« il ne s’agissait pas de dérapages isolés », mais d’une ligne politique assumée : « Le chef de l’État les valide, les amplifie et les endosse pleinement par un geste politique assumé ». Soulignant que la diaspora algérienne représente « une richesse commune » et non « une menace », le MOUDAF rappelle la contribution des Franco-Algériens « dans toutes les strates de la société française : santé, enseignement, monde associatif, économie, arts, recherche ». Le mouvement appelle enfin à « une coopération réciproque, lucide et respectueuse », loin « des logiques de chantage ou d’intimidation ». Cette prise de position intervient dans un contexte diplomatique déjà tendu entre Paris et Alger, où la question migratoire s’est imposée comme un terrain de friction récurrent.