Le grand virage de la numérisation des paiements  

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Wassila. B 

L’Algérie amorce un tournant que beaucoup jugeaient inéluctable : celui de la numérisation des paiements. Longtemps dominée par les transactions en espèces, notre économie se heurtait à un paradoxe criant : un essor visible du commerce en ligne, des plateformes de vente foisonnantes, mais des paiements qui, dans l’immense majorité des cas, se concluaient toujours en cash. La raison ? Un vide juridique et réglementaire qui freinait la mise en place de solutions fiables et sécurisées. L’instruction publiée le 19 août par la Banque d’Algérie marque une rupture décisive. Pour la première fois, le cadre de fonctionnement des prestataires de services de paiement (PSP) est défini avec précision. Ces acteurs, qu’ils soient banques, opérateurs spécialisés ou applications numériques, se voient confier une mission stratégique : accompagner la société algérienne dans la transition vers les paiements électroniques, en dinars et à l’intérieur du territoire national. Derrière cette décision technique se cache un enjeu économique et social majeur. L’usage du cash entretient l’opacité, nourrit l’économie informelle et complique la traçabilité des transactions. Il prive aussi une partie de la population des bénéfices de l’inclusion financière. À l’inverse, le paiement numérique ouvre la voie à plus de transparence, de sécurité et de fluidité. C’est aussi une condition nécessaire pour donner toute sa mesure à la croissance du e-commerce et à la modernisation des services bancaires. Les garde-fous prévus par le régulateur montrent que la Banque d’Algérie ne veut pas avancer à la légère. L’encadrement strict des comptes de paiement, avec des plafonds allant de 100.000 à 1.000.000 de dinars, illustre une volonté claire : encourager la digitalisation sans compromettre la stabilité financière. De même, les exigences imposées aux PSP en matière de solidité technique, de conformité réglementaire et de probité sont la preuve que le législateur a retenu les leçons des dérives observées ailleurs. La réussite de cette mutation dépendra de plusieurs facteurs : la capacité des banques à moderniser leurs systèmes, l’implication des startups locales dans la création de solutions accessibles et ergonomiques, et surtout la confiance des citoyens. Le rôle du Comité national des paiements sera donc crucial. Cette instance devra non seulement piloter le déploiement des solutions scripturales (cartes, virements, chèques dématérialisés, portefeuilles numériques) mais aussi coordonner l’ensemble des acteurs : régulateur, banques, opérateurs technologiques et usagers. Le défi est immense, mais l’opportunité l’est tout autant. La numérisation des paiements n’est pas seulement une question de technologie ; c’est un levier de transformation structurelle. Ce virage est assumé avec rigueur et détermination. Il marquera une étape historique : celle d’une Algérie qui choisit de tourner la page du tout-cash pour entrer de plain-pied dans l’ère des paiements numériques.