Par Meriem B
C’est un discours aux accents visionnaires et fédérateurs qu’a prononcé le président Abdelmadjid Tebboune, jeudi à Alger, lors de l’inauguration officielle de la 4ᵉ édition de la Foire commerciale intra-africaine (IATF 2025). Devant un parterre de chefs d’État, de responsables gouvernementaux, de diplomates et d’opérateurs économiques venus des quatre coins du continent, le chef de l’État a appelé l’Afrique à se réapproprier son destin en misant sur l’intégration économique, la souveraineté et la solidarité.
« Notre avenir dépend de notre capacité à bâtir une union économique africaine », a-t-il martelé, soulignant que le temps était venu pour l’Afrique de dépasser ses fragmentations et de transformer ses immenses ressources naturelles et humaines en leviers réels de développement.
Une Afrique forte dans un contexte mondial instable
Le président Tebboune a tenu à rappeler que cette 4ᵉ édition de l’IATF se déroule dans une conjoncture internationale particulièrement « sensible et délicate », marquée par des bouleversements géopolitiques, des crises énergétiques et alimentaires, et une recomposition de l’ordre mondial.
« Dans cette dynamique accélérée, l’Afrique doit s’affirmer comme une puissance incontournable, influente et solidaire », a-t-il affirmé. Pour le chef de l’État, les profondes mutations en cours ne doivent pas marginaliser davantage le continent, mais au contraire l’inciter à s’unir et à défendre ses intérêts communs.
La ZLECAf, pierre angulaire d’un projet continental
Au cœur de son allocution, le président Tebboune a insisté sur le rôle déterminant de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf), présentée comme l’outil central de l’intégration économique.
« L’Afrique doit produire sa propre nourriture et ses propres outils », a-t-il lancé, en appelant les pays africains à rompre avec des dépendances extérieures qui fragilisent leur souveraineté. Dans un horizon de cinq à six ans, a-t-il ajouté, le continent doit être en mesure de bâtir une union économique cohérente, capable de subvenir à ses besoins alimentaires et de développer ses capacités industrielles.
La ZLECAf, selon lui, ne doit pas se limiter à un cadre commercial : elle doit devenir « un véritable moteur de développement » et le socle d’une Afrique qui s’appartient pleinement.
Une Afrique marginalisée dans les institutions internationales
Le président Tebboune a dressé un constat sévère mais lucide sur la place actuelle du continent dans la gouvernance mondiale. Il a rappelé que la part de l’Afrique dans les droits de vote au Fonds monétaire international (FMI) n’excède pas 6,5 %, tandis qu’elle ne dépasse pas 11 % à la Banque mondiale.
« Ces chiffres traduisent une injustice historique à l’égard d’un continent qui détient pourtant 30 % des ressources naturelles mondiales et abrite plus d’un milliard et demi d’habitants », a-t-il dénoncé.
La situation est tout aussi préoccupante dans le commerce mondial, où la part de l’Afrique ne dépasse pas 3 %. Quant aux flux d’investissements, le continent n’attire qu’environ 94 milliards de dollars par an, soit moins de 6 % du total mondial, ce qui constitue, selon Tebboune, « la plus faible part au monde ». Pour lui, ces chiffres ne doivent pas être des motifs de résignation, mais au contraire une « motivation supplémentaire pour mobiliser nos capacités collectives ».
L’Algérie, acteur engagé dans la construction africaine
Le président de la République a tenu à rappeler les efforts considérables engagés par l’Algérie en faveur de l’intégration continentale. Parmi les projets structurants, il a cité :
- La route transsaharienne, qui relie l’Algérie au Niger et au Nigeria, facilitant la circulation des biens et des personnes ;
- Le gazoduc Algérie–Nigeria, destiné à garantir l’approvisionnement énergétique de plusieurs pays africains ;
- La dorsale transsaharienne à fibre optique, qui renforce la souveraineté numérique et l’interconnexion du continent ;
- Les liaisons ferroviaires vers le Mali et le Niger, reliant Adrar et Tamanrasset aux pays du Sahel ;
- Le lancement de lignes aériennes et maritimes entre capitales africaines pour fluidifier les échanges ;
- L’ouverture de succursales de banques algériennes dans plusieurs pays africains, facilitant les transactions commerciales et les investissements.
À ces projets s’ajoutent la création de cinq zones franches avec les pays du Maghreb et de la région sahélo-saharienne, ainsi que des initiatives de solidarité, à l’image de l’effacement par l’Algérie des dettes de 14 pays africains pour un montant de 1,5 milliard de dollars.
Une solidarité historique et concrète
Le chef de l’État a rappelé que l’Algérie, fidèle à son histoire et à ses valeurs, a toujours soutenu ses partenaires africains. Depuis l’indépendance, elle a formé pas moins de 65 000 cadres africains, dans différents domaines, illustrant son engagement en faveur du développement humain.
Cette solidarité s’est également traduite par des gestes financiers et diplomatiques, mais aussi par un plaidoyer constant pour une Afrique unie, respectée et influente. « L’Algérie est fière d’avoir contribué à l’édification des fondements du commerce intra-africain », a souligné Tebboune, réaffirmant que la prospérité du continent ne peut être envisagée sans une véritable entraide entre nations.
Les défis à relever : infrastructures, investissements, souveraineté
Le président Tebboune a reconnu que le chemin restait long et semé d’embûches. Il a évoqué notamment le manque criant d’infrastructures de transport, d’énergie, de communication et de financement, qui entrave la compétitivité du continent.
Il a insisté sur la nécessité de créer un climat d’investissement attractif, stable et inclusif, en appelant à la « conjugaison des efforts et à la mobilisation des énergies » pour transformer la ZLECAf en un véritable outil de développement et d’émancipation.
« L’Afrique ne peut plus se permettre de rester en marge de la décision économique mondiale », a-t-il déclaré.
L’immigration, conséquence de la fragilité économique
Le chef de l’État a également établi un lien direct entre le manque d’intégration économique et le phénomène de l’immigration clandestine. Pour lui, seule une Afrique forte, capable d’assurer à sa jeunesse des opportunités d’emploi et de prospérité, pourra mettre un terme à l’exode massif de ses talents.
« L’intégration économique africaine est la clé pour stopper l’immigration illégale et pour redonner au continent la place qui lui revient sur la scène internationale », a affirmé Tebboune.
Un appel à l’unité et à l’action
En déclarant officiellement ouverte la 4ᵉ édition de l’IATF, le président de la République a exhorté ses homologues africains et les acteurs économiques présents à faire de ce rendez-vous « un nouveau départ » et « une ère renouvelée » pour le continent.
« L’Afrique doit avancer d’un pas ferme vers un avenir où elle s’appartient pleinement », a-t-il conclu, sous les applaudissements nourris de l’assistance.
Une vision africaine portée par l’Algérie
Le discours du président Tebboune à l’IATF 2025 se distingue par sa clarté et son ambition : construire une Afrique solidaire, indépendante et influente. L’Algérie, qui accueille cette 4ᵉ édition, entend jouer un rôle moteur dans cette dynamique, à travers des projets concrets, une diplomatie active et une vision de long terme.
Loin d’un simple discours protocolaire, l’allocution du chef de l’État a résonné comme un appel à la mobilisation générale : pour transformer les faiblesses en opportunités, pour faire du continent un acteur majeur de la scène mondiale, et pour offrir aux générations futures une Afrique digne de son potentiel.